Troubles anxieux épileptiques

Mars est le mois de la sensibilisation à l’épilepsie, une affection neurologique qui mène souvent au rejet social et à la discrimination. Certainement, les crises soudaines, imprévues et parfois violentes compliquent la vie des épileptiques. D’ailleurs, l’épilepsie comme ses crises,est encore mal perçue par le public. Steeve Lachance, directeur de l’organisme Épilepsie section de Québec, partage cet avis. «Des gens perdent leur emploi, des enfants sont suspendus de leur école, souvent seulement parce que l’employeur ou l’éducateur ne comprend pas bien l’affection», raconte-t-il.

De plus, il est rare que le problème neurologique qui cause l’épilepsie soit déterminé, ce qui fait qu’il est difficile de trouver le médicament approprié. Il n’est donc pas surprenant de constater de nombreux cas de symptômes dépressifs auprès des épileptiques. Épilepsie section de Québec organisera d’ailleurs une conférence sur le sujet le 19 mars prochain à l’Hôtel Québec.

Prédisposés à la dépression?

Plutôt que de croire que ces symptômes ne sont qu’une répercussion des difficultés de l’épilepsie, de plus en plus de neurologues sont persuadés que la structure neurochimique du cerveau épileptique prédispose aux troubles dépressifs et anxieux.

Des chercheurs de la Rush Medical College de Chicago ont étudié l’épilepsie chez un groupe de patients en 2009. Ils ont découvert que, dans environ la moitié des cas, des symptômes dépressifs et anxieux étaient signalés dans les 24 heures qui suivaient une crise épileptique. Ce qui laisse croire que chaque épisode de crise serait ce qui provoquerait les symptômesdysphoriques du patient. «C’est une hypothèse que plusieurs recherches ont vérifiée et qui est sur le point de faire changer les choses ici», déclare Joanne Roy, psychologue et neuropsychologue du Centre hospitalier affilié universitaire de Québec (CHUQ).

Dans cette étude, les chercheurs ont observé l’activité du cerveau des patients au moyen de l’imagerie cérébrale. Résultat:l’activité électrique du cerveau d’un patient qui éprouve des symptômes dépressifs a lieu au même endroit que l’activité enregistrée lors de la dernière crise d’épilepsie. Ainsi, les deux maladies seraient reliées. Ceci démontre aussi que les symptômes dépressifs ont lieu alors que le cerveau tente de régler le déséquilibre neurochimique que la crise a causé, donc lors de l’étape de la «normalisation forcée» cérébrale, précise Joanne Roy.

De nombreuses études animales ont aussi contribué à entretenir l’hypothèse, dont une menée par les mêmes chercheurs de la Rush Medical College, cette fois en 2008. On y a comparé le comportement anxieux et dépressif d’un groupe de rats épileptiques à celui d’un groupe de rats non épileptiques. Résultat : avec un désintérêt pour une solution sucrée, seuls les rats épileptiques manifestaient d’importants symptômes dépressifs.

D’autres travaux suggèrent même que le scénario soit réversible en supposant que le stress chez les jeunes enfants prédispose à l’épilepsie. En 2009, des chercheurs de l’Université de Carleton ont séparé un groupe de rats de leur mère. Tous ces rongeurs, incluant ceux qui avaient volontairement été immunisés, ont eu des convulsions généralisées.

Toutes ces recherches viennent renforcer l’hypothèse soulevée par la neurologie, mais encore beaucoup de travail reste à faire. «Ces recherches amènent beaucoup de points intéressants. Seulement, on n’a pas fait le tour de tous les phénomènes neurochimiques qui amènent l’épilepsie et les symptômes dépressifs», souligne la neuropsychologue Joanne Roy. Celle-ci ajoute le fait que les causes de l’épilepsie demeurent encore, dans certains cas, bien nébuleuses.

Pour aider les épileptiques

Malheureusement, encore beaucoup de médecins ne perçoivent pas sérieusement les troubles psychologiques de l’épilepsie, souvent parce que ces troubles présentent des symptômes «non typiques» de ce qui est généralement rencontré chez d’autres types de patients. Les psychiatres devront à l’avenir considérer la cohabitation de l’épilepsie et des symptômes dépressifs lorsqu’ils aident les épileptiques, prévoit Joanne Roy. Et c’est avec «des mesures préventives et des traitements curatifs que les psychiatres pourront aider les personnes épileptiques à tempérer leurs symptômes dépressifs», conclut-t-elle.

Crédit photo : Claudy Rivard.

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