À un clic de l’horreur

Si l'aspect public de l'événement a choqué plus d'une personne, les internautes les plus insolents n'ont même pas attendu que les ambulanciers viennent retirer le corps sans vie de la scène avant de transformer la situation en blagues de mauvais goût. Des montages photo montrant le corps asphyxié et s'accompagnant des paroles de la chanson "I'm blue" d'Eiffel 65 ont fait le tour des réseaux sociaux avant même que les médias ne publient le moindre papier sur le sujet. Les circonstances de la mort de Marcus Jannes sont au-delà de toute prétention à la dignité.

Il ne s'agit pourtant que d'un cas parmi tant d'autres, et des internautes avides se font un devoir d’en faire l’exposition. Par exemple, le site Web ViralDeath regroupe, trie et archive toutes les images choquantes disponibles sur le Web. Se définissant comme étant à la fine pointe du "gore", ce site se donne pour mission de mettre à l'avant-plan la mort et la misère humaine, se refusant à toute censure et à toute barrière morale. Inutile de fouiller bien longtemps pour tomber sur d'autres sites Web qui présentent, eux, des images de la mort d’Abraham Biggs, un américain de 19 ans qui s'était donné la mort par overdose devant sa caméra, en 2008. Inutile en effet de fouiller bien longtemps, puisque certains extraits sont mêmes disponibles sur YouTube.

Si les médias traditionnels gardent sous silence la plupart des cas de suicides et prennent bien soin de ne pas diffuser d'images dures lorsque cela est non nécessaire, il devient surprenant de constater à quel point l'omniprésence d'Internet et la multiplication des caméras rendent ténu le filet qui nous sépare de toutes ces images que nous ne sommes pas habitués de voir. Plus les nouveaux canaux de communication prendront de l'importance et plus la population tout entière sera exposée à leur complète absence de règles et de mœurs.

La société se tournera-t-elle vers l'éducation, afin que chaque internaute soit averti de la portée de ce qu'il peut trouver sur Google? Ou optera-t-elle pour la solution plus facile, mais totalement inefficace, de tenter d'interdire, de baliser et de bloquer le contenu jugé choquant? Car si l'avertissement ne figure pas au premier chapitre du livre «Internet pour les nuls», il n'en demeure pas moins qu'il est possible de tomber par hasard, un beau lundi matin, sur les images en direct d'un homme mettant fin à ses jours. Et malgré tous nos gadgets et notre expérience de navigation Web, nous ne sommes pas prêts à ça. Croyez-moi.

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