Les chasseurs d’extra-terrestres et martiens de tout genre se passionnent pour Ata, un squelette minuscule d’à peine 10 cm, exhibant néanmoins une forme humaine.

Un extra-terrestre, un singe, un foetus ?

Les chasseurs d’extra-terrestres et martiens de tout genre se passionnent pour Ata, un squelette minuscule d’à peine 10 cm, exhibant néanmoins une forme humaine. L’internet est déchaîné quant à conclure sur l’origine de cette momie bizarre ainsi que de l’espèce à qui elle appartient. Alien ? Momie Foetus ? Primate mi-humain ? Enfant difforme ? Un chercheur de l’Université Stanford semble confiant d’être arrivé à une conclusion, mais le débat demeure ouvert. 

Maya Bernard

Capture d’écran 2013-05-13 à 4.10.07 PML’histoire débute il y a 10 ans, lorsqu’un homme nommé Oscar Munoz découvre dans une église abandonnée des restes de forme humaine à La Noria, une ville fantôme du désert d’Acatama.

Le spécimen d’une dizaine de cm comporte toutefois quelques anomalies: par exemple, Ata n’a que 10 côtes à la place des 12 habituelles, et son crâne est sévèrement déformé.

Le Pr Garry Nolan, directeur de l’Institut national du coeur, du poumon et du sang au Centre de Protéonomique ( NIHLB ) de l’Université Stanford en Californie, a entendu parler d’Ata par un ami en automne dernier et a décidé de s’y intéresser un peu plus en profondeur. « J’ai demandé à notre unité de soins néonataux comment ils s’y prendraient pour l’analyser. Avaient-ils observé quelque chose de comparable auparavant, ou ce genre de syndrome ? ».

Il a été dirigé vers le pédoradiologue Ralph Lachman, codirecteur du Registre international de la dysplasie squelettique au centre médical Cedar-Sinai à Los Angeles. La dysplasie squelettique est une maladie rare et létale caractérisée par des membres courts et une calcification anormale des os et des cartilages, ce qui pourrait expliquer l’allure du petit corps retrouvé. Le Dr Lachman fut sidéré. Nolan se souvient : « Il a dit ” Wow, je n’ai jamais rien vu de pareil auparavant ! ” »

Pas de consensus scientifique 

Pour étudier le spécimen, le Dr Nolan a envisagé d’examiner le génome d’Ata et de le cartographier afin de trouver une piste de recherche. Il a premièrement supposé que le petit corps était âgé de dizaines ou de centaines de milliers d’années, mais le désert d’Atacama étant l’un des endroits les plus secs de la planète, Ata aurait pu être préservé. Il a consulté des experts ayant extrait l’ADN des Denisovians à partir de leurs os, un proche parent asiatique de l’homme de Néandertal européen. Il s’est avéré que l’ADN d’Ata était moderne, abondante et de grande qualité, probablement vieille de quelques décennies.

Malheureusement pour les chasseurs d’extra-terrestre, le Dr Nolan a constaté qu’Ata était bel et bien humain. « Il n’y a aucun doute à ce sujet », a-t-il déclaré. En outre, il a même pu déterminer que sa mère était originaire de la côte ouest d’Amérique du Sud, soit justement la localisation du Chili en séquençant l’ADN des mitochondries ( les usines énergétiques de nos cellules ).

Pendant ce temps, après avoir examiner les radiographies, le Dr Lachman a quant à lui conclu que le développement du squelette d’Ata semblait étonnamment équivalent à un enfant de 6-8 ans, en se basant sur la densité des plaques épiphysaires des genoux ( plaques de croissante à la fin des os, qui ne sont présentes que pendant l’enfance ). Ceci entraîne donc deux hypothèses : l’une serait qu’Ata souffrait d’une forme extrêmement sévère de nanisme, et aurait donc bel et bien l’âge affiché par ses os. Pour tester cette possibilité, le Dr Nolan a tenté d’extraire l’hémoglobine de la moelle osseuse de l’échantillon afin de comparer la quantité relative de protéines d’hémoglobine foetale vs adulte. La seconde hypothèse serait qu’Ata, dont la taille est celle d’un foetus de 22 semaines, était atteint de progéria, une maladie rare du vieillissement accéléré qui aurait fait vieillir de manière très rapide son ossature in utéro.

Le Dr Nolan n’est pas encore parvenu à identifier les gènes associés avec la progéria ou le nanisme. Il tente donc d’intensifier ses recherches à l’aide de séquençages génétiques supplémentaires.

Les chercheurs pensent néanmoins qu’Ata n’était pas un foetus, mais bien un enfant, et privilégient une explication génétique face au mystère de ce petit corps malade.

Le paléoanthropologue et anatomisme Willian Jungers du Centre médical de l’Université Stony Brook à New York réfute qu’Ata ait été un enfant, et approche le mystère de manière beaucoup plus prosaïque. Pour lui, Ata ressemble à un foetus desséché et momifié : « les éléments des mains et des pieds sont immatures et à peine ossifiés, la structure métopique affiche une grande ouverture, où les deux os frontaux du crâne se rencontrent au milieu du front. Les anomalies génétiques ne sont pas évidentes, probablement parce qu’il n’y en a pas », explique-t-il.

Résolument humain 

Nolan se dit heureux d’avoir pu participer à cette enquête: même si ses analyses ne sont pas terminées, il est satisfait d’avoir au moins démoli les rumeurs voulant qu’Ata soit d’origine extraterrestre et mit fin à la controverse. En effet, Ata a tout récemment volé la vedette du nouveau documentaire sur les OVNIS Sirius. Dans la bande-annonce, les cinéastes affirmaient que l’ADN de la créature avec sa tête étrange et surdimensionnée ne pouvait être scientifiquement qualifié. Le film exploitait notamment un mouvement populaire aux États-Unis qui viserait à obliger le gouvernement à révéler ce qu’il détient comme information sur les OVNIS et les extra-terrestres.

Le chercheur démystifie également les allégations selon lesquelles Ata serait un canular : « les radiographies montrent clairement que ce sont de vrais os, avec des ombres artérielles. Je peux vous certifier qu’il respirait, mangeait, avait un métabolisme », conclut-il.

Aujourd’hui, Ata appartient à une collection privée en Espagne.

Consulter le magazine