Vieillir prématurément en raison des commotions cérébrales

Est-ce que notre cerveau se guérit complètement chaque fois que nous subissons une commotion cérébrale? Quelles conséquences ont-elles sur la matière blanche et la matière grise de notre cerveau? Que pouvons-nous faire pour prévenir un vieillissement cognitif accéléré suite à de multiples commotions cérébrales? Entretien avec le neuropsychologue Louis de Beaumont.

Le chercheur en neuropsychologie a rencontré, jeudi dernier, parents, étudiants et intervenants du milieu de la santé à Québec au Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale (CIRRIS) afin de les sensibiliser à la sévérité des conséquences des commotions cérébrales et à l’importance de bien les gérer.

Bien que plusieurs chercheurs se soient longuement penchés sur les effets à court terme des commotions cérébrales, c’est plutôt aux effets à long terme que s’est intéressé Dr de Beaumont lors de ses recherches. Ce dernier a suivi près d’une vingtaine d’athlètes âgés de 60 à 75 ans qui avaient subi entre une et cinq commotions cérébrales dans la vingtaine. Ces derniers pratiquaient alors le hockey ou le football au sein d’une équipe universitaire. Les résultats observés ont été comparés à ceux de coéquipiers qui n’auraient pas eu d’accidents du genre.

Les répercussions de ces accidents sont encore notables après quarante ans. En effet, il a découvert, au courant des dernières années, que les conséquences des commotions cérébrales s’observaient de façon plus significative avec l’âge.

Contrairement aux croyances populaires, les commotions cérébrales n’engendreraient pas la maladie d’Alzheimer dans l’hippocampe. C’est plutôt la zone frontale-pariétale qui est affectée. Il a observé chez les athlètes ayant subi plusieurs commotions cérébrales des anomalies de la matière grise dans cette partie du cerveau.

Les principales fonctions affectées sont celles associées à l’attention, à la prise de décisions et à la mémoire, qui sont généralement les premières à décliner avec l’âge. Chez les athlètes, cette dégénération est grandement accélérée.

« D’après nos observations, le cerveau des athlètes commotionnés a subi un vieillissement accéléré, explique-t-il. Les dommages semblent agir en synergie avec le vieillissement naturel. »

Âge déterminant

Le temps est un facteur important à prendre en considération lorsque vient le temps de parler des conséquences sur le cerveau. En effet, d’après les observations de Louis de Beaumont, une commotion subie à un jeune âge a plus de répercussions sur le cerveau rendu à 60 ans qu’une commotion subie à cet âge.

Il est donc impératif pour le neuropsychologue qu’un suivi soit effectué par un médecin avec le jeune athlète, et ce, de façon plus importante s’il s’agit de la troisième commotion cérébrale.

Choix difficile

La raison est bien simple. Passé le nombre « magique » de trois, les conséquences sont très graves et ont un impact marqué sur la vie quotidienne du patient. Ce n’est pas la gravité de l’incident qui détermine les conséquences, mais bien la fréquence à laquelle celui-ci a été victime des commotions cérébrales.

« Subir une commotion cérébrale, ce n’est pas grave en soi si le patient est bien traité. C’est lorsque le jeune est rendu à sa deuxième et troisième commotion qu’il y a un choix important à faire », admet le chercheur en neuropsychologie au Centre de recherche de l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal.

« Ce ne sont pas les fédérations sportives qui font les meilleurs choix dans ces cas-là. C’est le parent qui va l’aimer pour les 70 prochaines années », ajoute-t-il en riant.

Encadrement nécessaire

Il ne souhaite pas transmettre un message noir sur la pratique de sports de contacts, mais bel et bien sensibiliser la population à l’importance d’un incident comme une commotion cérébrale sur la santé future d’un athlète. Certains, comme Sidney Crosby, voient leur carrière grandement affectée par leur sensibilité à ce genre d’incident.

Pour Louis de Beaumont, des normes d’intervention et de traitement plus strictes doivent être instaurées par les fédérations sportives québécoises. « En général, on gère beaucoup mieux les commotions, mais il reste beaucoup de travail à effectuer. Ce n’est pas normal que certains athlètes me consultent et qu’ils en sont à leur onzième commotion cérébrale et qu’ils prévoient retourner au jeu », s’inquiète-t-il.

Consulter le magazine