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Êtes-vous cyberdépendant?

Une première campagne de sensibilisation concernant l’hyperconnectivité et l’utilisation problématique d’internet est désormais lancée par Capsana. Cette campagne tente de conscientiser chacun du temps qu’il ou elle passe à consulter son fil d’actualité ou à dévorer des contenus sans même y prêter vraiment attention, puis de trouver son équilibre. Magali Dufour, psychologue et professeure agrégée au département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal, éclaircit le phénomène relativement peu connu qui touche une grande partie des 18-25 ans.

L’hyperconnectivité est-elle répandue au point tel qu’une campagne de sensibilisation est nécessaire?

« Il faut évaluer la situation en fonction de la façon que l’on définit l’hyperconnectivité. Selon les études que nous avons faites, il y a environ 2% de la population qui sont présentement atteints de cyberdépendance. Cependant, pour ceux qui sont à risque de développer des problèmes liés à leur utilisation d’internet, on parle plutôt de 17-18%. Donc, oui ça vaut la peine de faire une campagne de sensibilisation. Dans nos études, on parle quand même d’une tranche significative de la population qui est à risque d’avoir des conséquences significatives sur leur comportement et pour lequel une intervention de type préventive peut être suffisante à régler d’éventuels problèmes. »

Concrètement, qu’est-ce qu’une personne cyberdépendante?

« C’est un diagnostic posé. Quand on parle de dépendance, on va parler de gens qui ont perdu le contrôle de leur utilisation de jeux vidéos, d’internet et d’applications. On va parler aussi de gens qui sont obsédés d’une certaine façon. Ils vont passer énormément de temps sur leur appareil : 55 heures par semaine en dehors des heures scolaires chez les jeunes et entre 60 et 65 heures par semaine chez les adultes. La vie du cyberdépendant est centrée autour de son utilisation d’internet. Il pense toujours à quand il va pouvoir jouer, qu’est-ce qu’il va faire lorsqu’il va jouer, qu’est-ce qu’il va poster, etc. Ce n’est pas juste être connecté, c’est d’être connecté et d’avoir des conséquences avec nos relations interpersonnelles, avec notre travail, avec notre famille ou avec notre santé physique et psychologique. »

Quelle est la différence principale entre la cyberdépendance et les autres types de dépendances?

« On observe des similitudes au niveau du cerveau. Il y a également l’aspect d’obsession et de perte de contrôle qui est semblable. Qu’est-ce qui fait qu’on a envie de jouer? Là aussi on retrouve des symptômes de sevrages. Par contre, au niveau du portrait clinique, c’est là que ça change. Notamment lorsqu’il est question d’estime de soi. Chez nos cyberdépendants, plus de 55% d’entre eux avaient une estime de soi très faible. C’est plus important encore que ce que l’on observe chez les autres types de dépendants. Finalement, on retrouve plus de gens avec des idées suicidaires que dans les autres dépendances. »

 

Outre admettre qu’on a un problème, y a-t-il des trucs pour se sortir de cette dépendance? 

« D’abord prendre conscience de son utilisation et d’évaluer s’il y a des méfaits liés à notre consommation. Ensuite, faire la balance entre le pour et le contre. Peut-être qu’on ne devrait rien changer ou peut-être qu’il y a des choses qu’on pourrait changer. D’avoir un bon regard critique sur la situation aide grandement. Parfois, demander aux gens de notre entourage si notre consommation est problématique peut servir de truc, parce que c’est souvent l’entourage immédiat qui sera le premier à se plaindre de notre consommation. Il faut trouver un équilibre. Finalement, des applications qui calculent le temps passé sur le web peuvent faire prendre conscience du temps que l’on perd et nous faire réévaluer notre utilisation internet. »

Qu’est-ce qui cause la cyberdépendance? Est-ce l’ennui, la fidélisation ou l’attrait grandissant du web?

« Ce sont toutes de bonnes pistes de solution, mais c’est, comme les autres dépendances, une multitude de facteurs qui sont en cause. C’est également parce que parfois on est plus vulnérable dans des périodes de transition de notre vie. Aussi, ça peut être des facteurs personnels, exemple notre difficulté à tolérer l’ennuie, conjugué à une substance qui nous fait plaisir (réseaux sociaux, les jeux vidéos) et qui est excessivement présente dans nos vies. Donc, c’est à la fois des variables de l’individu, de l’environnement et de la substance qui fait que l’on devient dépendant. »

Existe-t-il des groupes qui sont plus à risques?

« Les garçons, les gens avec un déficit d’attention et les gens qui ont de la difficulté à se contrôler sont des groupes plus à risques. Cependant, les gens qui sont dans des périodes de transition apportant son lot de questionnements sont ceux qui sont le plus touchés. Par exemple, du primaire au secondaire, du secondaire à l’âge adulte, du cégep vers l’université. Comme mentionné plus tôt, la vulnérabilité qu’engendre ces périodes peut être considérée comme un facteur aggravant. Ce n’est pas nécessairement un groupe très spécifique, mais plutôt des évènements dans notre vie. »

En cas de cyberdépendance, où est-ce que l’on peut demander de l’aide ?

« Si quelqu’un s’inquiète ou s’inquiète pour un proche, il peut appeler un centre de réadaptation en dépendance ou appeler la ligne jeux, aide et référence (1 800 461-0140) qui vont donner le centre de traitement le plus près. Ils vont évaluer s’il y a réellement un problème ou si une simple intervention peut suffire. »

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