Photo : Archives, Alice Chiche

Santé mentale : Oser demander de l’aide

La semaine dernière, Impact Campus publiait un article sur le stress des étudiants et les différentes pressions liées à leurs études. En effet, nombreux sont les étudiants en difficulté qui sont pris dans de fâcheuses situations. Le manque de temps et d’informations sur les solutions possibles les empêche de consulter. Nous avons rencontré les professionnels du Centre d’aide de l’Université Laval pour dresser un portrait de la situation.

Le Centre d’aide des étudiants de l’Université Laval, dirigé par Louise Careau, est une porte ouverte pour ceux et celles qui souhaitent de l’aide pour leur orientation, un soutien psychologique, des solutions pour une meilleure réussite ou encore pour les étudiants en situation de handicap.

Les professionnels du Centre ont vu augmenter au fil des années le nombre de visites. « C’est à la fois un bon signe, mais aussi quelque part inquiétant », pense la directrice, Louise Careau. En effet, elle explique que dans une société où l’on prône l’excellence et la performance, les étudiants développent des peurs concernant l’échec.

L’avènement des réseaux sociaux n’est pas sans effets sur la pression des étudiants. « On essaye de montrer la meilleure image de nous-mêmes on ne veut pas se montrer faible devant les autres », explique-t-elle. Ces apparences sont trompeuses et nombreux sont les étudiants qui ont besoin d’aide, mais ne font rien par peur d’être jugés.

Des préjugés encore tenaces

« De nos jours, aller consulter un psychologue ou un psychiatre est mal vu, déplore Louise Careau. Les gens sont catégorisés comme fous aux yeux des autres. C’est quelque chose qui tend à changer petit à petit, mais ce n’est pas encore parfait ».

Ainsi, les professionnels jugent important de dédramatiser la notion de consultation et de s’attaquer au glissement rapide entre le fait de demander de l’aide et les stigmates liés à la folie, afin de lutter contre les tabous. Selon eux, il est très important de valoriser le courage de la demande d’aide que ce soit pour des problèmes d’angoisse ou simplement d’orientation, car on ne sait pas quoi faire une fois les études terminées.

Pour faire face à la peur de consulter, le réseau Sentinelle a été mis en place en 2008 à l’Université Laval. Composé majoritairement d’employés de l’université, celui-ci a été conçu afin d’aider à mieux repérer les étudiants en difficulté et les guider vers les ressources.

Un portrait qui s’assombrit

On estime aujourd’hui que 1 personne sur 5 au Canada va connaître des troubles de l’anxiété ou de dépression dans sa vie et «cela va en augmentant avec notre société actuelle », explique la psychologue.

« Les étudiants ont de plus en plus de problèmes d’anxiété qui peuvent parfois devenir graves s’ils ne demandent pas d’aide. » Ces anxiétés ont de multiples causes : peur de l’échec, peur de ne pas savoir quoi faire dans la vie, compétition trop forte, problèmes relationnels, etc.

« C’est normal que cela augmente, on est aujourd’hui dans une société où les étudiants n’ont plus le temps, on est ultra occupés, ne serait-ce que par nos cellulaires, on est constamment sollicités, notre environnement est terriblement anxiogène et amène à un épuisement physique et mental. Nous sommes dans une culture de la perfection où l’on ne peut se permettre d’échouer, que ce soit dans notre travail ou nos relations. »

« Nous vivons dans une société du savoir-faire, c’est-à-dire du paraître où l’on développe des compétences et des mécanismes. On devrait essayer de retourner à une société du savoir-être. Donc, être des gens normaux qui acceptent de se montrer à visage découvert avec des faiblesses et des forces », enchaine-t-elle.

La compétition de plus en plus présente et la manière dont nous vivons nos vies de plus en plus rapidement grâce, entre autres, aux nouvelles technologies font qu’aujourd’hui, les psychologues et autres professionnels remarquent un besoin de « tout, tout de suite ». Cela va avoir un effet sur les troubles anxieux et dépressifs. « Les gens ne connaissent plus la souffrance ″normale″. Ils voudraient que tout soit réglé de suite, mais ne comprennent pas qu’il est parfois nécessaire de passer par des épisodes douloureux dans nos vies », remarque la professionnelle

Des statistiques alarmantes

Une enquête de 2016 sur la santé mentale des étudiants réalisée par la Fédération des associations étudiantes du campus de l’Université de Montréal a mis en évidence quelques statistiques alarmantes. En effet, l’étude a montré que 22% de la population étudiante présente des symptômes dépressifs, dont 14% des étudiants de premier cycle.

De plus, dans une étude de l’EMEVIA en 2015 sur la santé des étudiants, 8.4% des répondants ont dit avoir eu des pensées suicidaires au cours de 12 mois précédant l’étude. L’enquête de 2016 a aussi permis d’affirmer que plus la compétition au sein d’un programme est élevée, moins la santé mentale des étudiants est bonne.

Il a aussi été mis en évidence que dans les programmes de premier cycle, jusqu’à 4% des étudiants avaient des symptômes assez importants pour parler de burnout. Enfin, l’étude a mis en relation le sentiment de solitude par rapport aux troubles cités précédemment. De plus, une mauvaise qualité de sommeil et d’hygiène de vie favorisait les troubles chez les étudiants.

Des ressources disponibles

Finalement, les différentes pressions vécues par les étudiants ne sont pas à prendre à la légère. Le centre d’aide aux étudiants de l’Université Laval possède de nombreuses ressources pour venir en aide aux étudiants. Les consultations se font dans le plus grand respect des étudiants, et elles sont complètement anonymes et gratuites. Il ne faut plus attendre que la situation dégénère pour se faire aider et y aller le plus rapidement possible.

« Je pense que c’est plus dur pour les étudiants d’aujourd’hui qu’à l’époque, conclut Louis Careau. On ne les autorise pas à être compétents, non, ils doivent être excellents et ultra performants. Personnellement, si je devais refaire mon baccalauréat aujourd’hui, je ne sais pas si je serais capable. »

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