Culturellement tombés dedans?

Il y a quelques semaines, mon enseignante de Communication interculturelle internationale originaire de la Serbie a demandé avec un accent assez caractéristique: «Est-ce que vous me considérez comme une Québécoise?».

Ce fut le silence total. Presque fière de notre réaction, elle nous demande pourquoi. Pas un bruit, pas un soupir. Après coup, j’ai regretté mon silence. J’aurais dû lui demander : «Quelle est votre équipe de hockey préférée?» ou encore «Souhaitez-vous le retour éventuel des Nordiques à Québec?». Un silence m’aurait permis de lui répondre «non». Ce sont peut-être des clichés, mais les clichés signifient souvent l’essentiel d’une idée.

Cette même enseignante serbe nous avait demandé ce qui caractérisait la culture québécoise. À l’unanimité les étudiants ont répondu : la poutine, le sirop d’érable et le hockey. Nos héros? Maurice Richard et René Lévesque. Un hockeyeur sur deux, pas mal pour des clichés, non?

Poursuivons. J’étais chez moi avec trois de mes meilleurs amis. Ce qu’on faisait en pleine fin de session les soirs de matchs? On était tous devant la télévision et pas question de changer de poste! Sinon on pouvait craindre de se mériter le titre de «faux Québécois». Un titre inventé pour taquiner un ami qui préfère regarder le basketball… Un futur médecin, un apprenti architecte et un biologiste en herbes qui abandonnent totalement leurs études pour se nourrir de glace et de caoutchouc noir. Le met préféré des Québécois après la poutine…

Au Québec, quand on parle de combat, on ne parle pas de boxe, on parle de George Laraque. Quand on parle d’Alex Tanguay, on sait qui c’est et les plus passionnés connaissent d’ailleurs son numéro par cœur. Quand on utilise le mot «magie», c’est pour faire référence aux feintes d’Alexander Ovechkin, qui vient de gagner le trophée Maurice Richard pour son impressionnant total de 56 buts en saison régulière. Notre poste de télévision francophone spécialisé en sports se réserve toujours la moitié de son bulletin de nouvelles pour parler de hockey, durant les soirs sans matchs et même hors-saison. Même malgré le début de la saison de Formule 1, les matchs de la ligue des champions au soccer, les séries éliminatoires de la NBA, la saison de baseball et les galas de boxe.

Mais pourquoi? L’amour de ce sport est quasi-inexplicable, exagérément important. Les Canadiens sont éliminés. Pourtant, RDS continue de diffuser les parties des autres équipes parce que le hockey au Québec, on en a jamais assez. Dans notre village d’Astérix américain, on est comme une bande d’Obélix. On est tous tombés dans la marmite quand on était petits. On est déjà abusivement gavés et on en redemande. Nous souffrons d’une virulente dépendance à un sport qu’un certain Hitchcock avait décrit comme étant «un savant mélange de glisse acrobatique et de Seconde Guerre mondiale».

Alors Mme Ridjanovic, pardonnez nous notre silence. Mais si on ne vous considère pas comme une «vraie» Québécoise, c’est sans doute parce que vous n’êtes pas tombée dans la marmite lorsque vous étiez petite. J’aurais aimé vous le dire en personne, mais ce soir, il y a la game.

Consulter le magazine