SIC et NCAA : deux mondes à part

L’ensemble des observateurs sportifs universitaires vous le diront: il y a un monde entre le SIC (Sport interuniversitaire canadien) et la NCAA (National Collegiate Athletic Association). Les objectifs des deux associations universitaires ne sont pas les mêmes, et ceux des étudiants-athlètes non plus. Même si personne aux États-Unis ne va vous l’affirmer ouvertement, les universités de division 1 de la NCCA sont de véritables laboratoires de création de futurs sportifs professionnels pour les différentes ligues états-uniennes. Les débouchés pour les étudiants-athlètes états-uniens sont immensément plus grands que pour les Canadiens et il est extrêmement rare que les étudiants finissent leur cursus scolaire, sautant ainsi directement dans le monde professionnel.

À cause de la pression continuelle des équipes professionnelles et des commanditaires privées, les universités états-uniennes sont entrées dans un cercle vicieux. Pour être compétitives et attirer les meilleurs joueurs au pays, il faut qu’elles gagnent des titres, et pour gagner des titres, il faut qu’elles aient la meilleure équipe possible. Ainsi, une concurrence sévère s’est instaurée entre les différentes institutions dominantes aux États-Unis. Les universités n’ayant pas le droit de proposer des sommes d’argent aux athlètes, en dehors des bourses, des entreprises de «racolage» s’en chargent. La plupart du temps créées par des anciens étudiants fortunés, ressentant un lien affectif indéfectible pour leurs anciennes universités, ces entreprises proposent des avantages financiers extraordinaires aux futurs étudiants-athlètes, ainsi qu’à leur famille, pour les attirer. Madame Lukas, mère de Jerry Lukas, un des six meilleurs basketteurs de lycée en 2007, déclarait l’année dernière qu’un racoleur avait promis à sa famille que son «mari aurait un emploi de 15 000 $ par an; [que] les traites de la maison [qu’ils ont] achetées seraient intégralement payées, [que] le frère de Jerry obtiendrait une bourse d’étude dans la même université, [que] Jerry aurait une voiture neuve, [qu’il] pourrait signer des notes de frais, etc.» La crédibilité de la division 1 de la NCAA est fortement écorchée par la multiplication de ce genre d’affaires. Mais depuis quelques années, la NCAA a essayé de redorer son blason en lançant la campagne Cleanhouse, ayant pour but d’en finir avec les pratiques illégales de certains partenaires des universités.

Plus proche de nous, l’Université Laval, comme on peut l’imaginer, n’a pas du tout la même façon de fonctionner. Gilles Lépine, coordonnateur du programme d’excellence du Rouge et Or, explique que le message principal des recruteurs pour attirer les athlètes est axé sur l’encadrement des entraîneurs, les infrastructures, la foule et la qualité académique. Des visées qui n’ont rien à voir avec celles des grosses cylindrées de nos voisins du sud. Mais avouons-le, la comparaison est difficile à faire entre le SIC et la NCAA. Les enjeux économiques ne sont pas les mêmes, et qui sait si le Rouge et Or ne se laisserait pas tenter par les sirènes d’investisseurs riches à millions. Difficile à dire, mais M. Lépine avoue que des amateurs passionnés ont déjà proposé d’aider l’organisation lavalloise en injectant de l’argent dans certaines infrastructures. «C’est le genre de propositions que l’on ne peut pas accepter», affirme-t-il. Par principes, valeurs, mais aussi parce que le Rouge et Or est l’organisation sportive étudiante la plus épiée au Canada, du fait de sa grande réussite sportive et académique. Toutes les universités canadiennes aimeraient savoir quelle est la recette du succès de l’Université Laval, et le moindre faux-pas serait mis en exergue dans les médias québécois et canadiens.

La NCAA est à l’image des ligues majeures américaines: vouée au grand spectacle, écrasée par la pression des commanditaires et des amateurs, toujours avide de grand spectacle. Rassemblant des dizaines de milliers de spectateurs à chaque rencontre et diffusées sur les plus grands réseaux télévisés états-uniens, les rencontres universitaires hebdomadaires ne sont pas très différentes de leurs homologues professionnelles, sinon que les joueurs professionnels touchent un salaire. Mais là encore, la différence n’est que lexicale…

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