Roller derby : Un univers, une culture, un sport

Fondé il y a six ans par des artisans de la culture underground, le milieu du roller derby de la Capitale rejoint une communauté d’abord et avant tout féminine et musicale. Portrait d’un sport à mi-chemin entre activité physique et mise en scène éclatée.

Dans la vie de tous les jours, elles se nomment Jessica Caron, Catherine Bonneau et Mai Nguyen. Elles sont toutes trois étudiantes à l’Université Laval et issues de milieux différents. Sur le terrain toutefois, elles deviennent Bébé Jésus, Bono Nucléaire et So-Viet.

Le nom de chacune des joueuses n’est pas laissé au hasard. Selon Jessica Caron, le pseudonyme est trouvé en fonction de caractéristiques liées à l’attitude sur la piste. « Un nom intéressant révèle la personnalité de la joueuse en action, explique-t-elle. Même si l’aspect jeu de rôles s’est un peu dissipé, l’impact des noms est essentiel dans la construction d’une identité au roller derby. »

Rockabilly et underground

Plus qu’une simple discipline, le roller derby réunit une communauté de femmes proches d’intérêts. La pratique se rapproche d’ailleurs d’une certaine culture populaire qu’est le rockabilly, genre musical créé dans les années 50 qui découle du rock’n’roll.

Les adhérents au mouvement portent un uniforme et adoptent une certaine attitude scénique. « Le roller derby vient avec cette scène underground et le phénomène rockabilly », résume Mai Nguyen, étudiante en arts visuels.

Ce sport est le fruit du travail de créateurs et d’individus du milieu des arts. Particulièrement en arts visuels, l’organisation du sport à Québec s’est faite en liaison avec la musique. Celle-ci se révèle une partie prenante de l’entourage culturel du roller derby.

«Tout ça part d’un groupe en arts visuels qui rassemblait beaucoup de filles et de gars de la scène punk. La musique est venue se coller à la discipline, présente à nos parties, mais aussi à nos petites fêtes dans les bars, à travers lesquelles on encourage cette culture de manière conviviale. » – Mai Nguyen alias So-Viet.

Ce sont les mêmes publics, au fond, qui gravitent autour des univers sportifs et musicaux du roller derby. « C’est surprenant, au départ, d’aller voir un spectacle de musique et une de nos parties, pour réaliser que ce sont les mêmes personnes, les mêmes groupes culturels qui se réunissent », exprime Jessica Caron, joueuse depuis quelques mois déjà et étudiante en enseignement.

Complices et féministes

C’est surtout l’autonomie et le caractère rassembleur du sport qui a poussé Catherine Bonneau, finissante en sociologie, à se joindre au mouvement. « Ce qui m’a attirée d’abord, c’est que c’est un sport féminin et autogéré, qui implique toutes les joueuses dans l’organisation, explique-t-elle. Ça se rapproche du féminisme, en terme de philosophie. »

Les trois joueuses s’entendent pour dire que la chimie régnant entre chacune des filles est assez spéciale. Les liens se créent rapidement et dans un milieu d’ouverture. « Nous sommes toutes très engagées et éveillées d’esprit, très proches, presque comme une secte ! », ironise Mai Nguyen qui pratique le sport depuis bientôt quatre ans.

Cette proximité instantanée entre les compétitrices s’explique peut-être par la belle image de la femme que fait rayonner la discipline. Un sport purement féminin, auquel les hommes participent en arbitrant ou en coachant.

« La femme n’est pas hypersexualisée au roller derby et n’a donc pas besoin d’utiliser son sex appeal pour être légitime en tant que sportive. Ce n’est pas le cas des nombreux sports aux penchants masculins que l’on connaît. » – Catherine Bonneau, alias Bono Nucléaire.

Jusqu’ici, les Duchesses, les Casses-Gueules ainsi que le Rouge & Gore constituent les trois équipes de l’organisation de la ligue Roller Derby Québec. Il y aura trois parties locales, qui se disputeront le 21 mai, le 28 mai et le 25 juin, à l’aréna Bardy.

Le roller derby, c’est quoi ?

Un match régulier est d’une durée d’une heure, séparé en deux périodes de trente minutes. Il regroupe deux équipes de cinq joueuses sur une piste circulaire, chacune d’entre elles envoyant quatre bloqueuses et une jammeuse sur le terrain.

Crédit : Fiona McCartney

La jammeuse a pour but de passer à travers le groupe de bloqueuses adverses. C’est ce qu’on appelle le pack, c’est-à-dire un mur de protection physique, au centre du terrain.

Les bloqueuses alliées doivent quant à elles faciliter le passage de leur jammeuse, un peu comme au football, en ouvrant la voie au passage. Un point se marque lors du deuxième passage consécutif d’une jammeuse dans le pack. Les joueuses pivots peuvent prendre la place de la jammeuse si nécessaire.

La petite histoire du roller derby

Fondé dans les années 40, le roller derby est d’abord un sport brutal mettant en scène des hommes et des femmes combattant dans une arène. Avec le temps, la pratique se disperse quelque peu dans les années 80, ce qui amène le sport à disparaître.

Toutefois, à l’aube des années 2000, le promoteur Daniel Policarpo forme une équipe de plusieurs patineuses pour un spectacle de danse à Austin, au Texas. Celui-ci ne sera finalement jamais présenté après un conflit avec la ville. Le groupe de femmes ne s’arrête pas là pour autant et fonde le Bad Girl Good Woman Productions (BGGWP). Ce sont les débuts du roller derby moderne.

Dès 2006, ce nouveau sport s’exporte vers le Royaume-Uni, la France, le Japon et ailleurs sur la planète. Le roller derby arrive au Québec en 2010 avec la fondation de plusieurs ligues régionales. Depuis son implantation dans la Capitale-Nationale, quelques centaines de joueuses se sont jointes au mouvement.

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