Les missionnaires comme armes politiques en Nouvelle-France au 18e siècle, ou, pourquoi le Régime français leur doit une fière chandelle.
L’histoire veut que les missionnaires jouent un rôle politique d’abord primaire puis ensuite secondaire à l’époque de la Nouvelle-France. Si, dès les débuts de la colonie, les évangélisateurs constituent la principale figure de représentation des Français auprès des Amérindiens, par la suite, ils perdent progressivement de leur influence au profit de figures prédominantes comme les officiers-interprètes. Vers la fin du Régime français, on parle même d’un effacement complet de leur pouvoir. Mais est-ce vraiment le cas?
C’est la question que s’est posée Maxime Morin, candidat au doctorat en histoire à l’Université Laval. À partir de travaux débutés à la maîtrise et du profil d’une dizaine, voire d’une vingtaine, de missionnaires qui ne cadrent pas dans la trame historique officielle, il compte prouver qu’il existe encore au 18e siècle une influence politique majeure de leur part.
Contacté par Impact Campus vendredi dernier, M. Morin a d’emblée mis en lumière l’importance des alliances franco-amérindiennes. « Jusqu’au début de la Guerre de la Conquête en 1754-1755, les Amérindiens constituent la principale force militaire de la Nouvelle-France. Sans leur aide, la France n’est pas souveraine en Amérique du Nord », note le chercheur.
Il poursuit : « Mais encore faut-il les convaincre de se battre du côté des Canadiens. Car, ne l’oublions pas, les Amérindiens ne sont pas des sujets de la France et ne sont donc pas tenus de s’impliquer à leur côté dans les conflits armés. Ils pourraient tout aussi bien opter pour la neutralité ou, pire encore, s’allier avec la couronne britannique. »
C’est d’ailleurs là que les missionnaires entrent en jeu. Chargés de convertir les Amérindiens à la religion catholique, les hommes de Dieu adaptent leur message de manière à les rallier à la cause française. Autrement dit, ils leur livrent un message religieux dans lequel les Anglais sont des hérétiques contre lesquels il faut se battre. « Le catholicisme est la principale raison pourquoi les Amérindiens vont s’allier à la Nouvelle-France », analyse celui qui est également chargé de cours à l’UQAR.
Bien au courant de cette réalité, les autorités françaises n’hésitent pas à appuyer les missions d’évangélisation. Leur intérêt est tout particulièrement marqué pour celles qui œuvrent dans les territoires situés au sud, à la frontière avec les colonies britanniques en pleine expansion. La raison : cette zone indéfinie fait l’objet de revendications de part et d’autre dans la première moitié du 18e siècle.
Selon M. Morin, les missionnaires sont donc les seules armes de la Nouvelle-France dans la région à l’époque. « Leur importance est telle que leur tête est mise à prix par les Britanniques. Il y en a même un qui a été assassiné » souligne-t-il.
Au final, l’historien ne se leurre pas sur les répercussions de ses travaux : « Je ne révolutionnerai pas l’histoire de la Nouvelle-France avec ma thèse. Par contre, si je réussis à faire changer seulement une ligne dans un ouvrage de synthèse, ce sera déjà une réussite en soi. »