Joyau de notre mythologie collective, relique bon marché exhumant le souvenir de journées de tempête, de tasses de chocolat chaud et d’innombrables pertes de contrôle, la crazy carpet est l’icône des hivers québécois. Du 31 janvier au 15 février, au Musée national des beaux-arts du Québec, sont présentées quatorze œuvres mettant en vedette le célèbre tapis de vinyle.
En marge de la cinquième Revengeance des duchesses, explosion d’exubérance créative, féministe et terriblement rafraîchissante, l’exposition Crazy carpets présente annuellement les déclinaisons d’artistes issus de la Vieille Capitale. Cette année encore, l’objet singulier qu’est la crazy carpet s’est invité dans l’univers créatif de quatorze artistes, dont l’illustrateur Pishier et la bédéiste Estelle Bachelard.
Logée aux profondeurs des cellules de prison du pavillon Charles-Baillairgé, l’exposition détonne par le caractère farfelu et insolite du médium en vedette. Il faut rappeler qu’en plus des poignées primitives découpées à même le plastique, les tapis-luges ont tous en commun une coloration éclatante que les artistes ont exploité de multiples façons. Toutes inspirées de la femme, les créations offrent une grande diversité de formes et de techniques.
Si certains artistes laissent entrevoir la nature de l’objet, d’autres, comme la joaillière Karine Rodrigue et l’artiste-tatoueur Mikaël Morin-Hamelin, choisissent de le décortiquer à l’infini pour en faire tantôt d’élégants pendentifs, tantôt le buste tridimensionnel d’une femme à moustache.
« Avec le fini glacé et la couleur unie du fond, le côté technique est de savoir si ça va tenir ou pas », explique Rémy Pelletier, diplômé en arts visuels et médiatiques de l’Université Laval à propos des caprices de ce support excentrique. L’artiste a choisi d’illustrer un chat vêtu d’un manteau sur le proverbial appareil de glisse déjà d’un bleu électrique. « Toutes les filles que je vois ces temps-ci sont emmitouflées dans leur foulard, leur tuque et elles ont toutes froid. Je trouve que le chat représente bien la femme. »
Pour Marie-Claude Savoie, duchesse de Beauport, diplômée en communication et en rédaction professionnelle de l’Université Laval, la crazy carpet rappelle un après-midi de glissade inoubliable. « Je vois les crazy carpets toutes peintes et je ne fais que penser à mes deux amies qui ont foncé dans un arbre. » La duchesse ajoute être surprise par la variété des métamorphoses. « Elles sont toutes tellement différentes, toutes vraiment originales, on voit vraiment le style de chacun et les sculptures sont incroyables. »
L’œuvre de Rémy, comme toutes les autres, a été vendue lors d’un encan silencieux dont le profit sera partagé entre l’artiste et la Revengeance des duchesses.
Recouverte de peinture, assemblée, découpée et cousue, la crazy carpet est défigurée au profit d’une créativité à l’épreuve de contraintes techniques saugrenues. L’œuvre d’art rend hommage, au passage, à cet objet qu’est la crazy carpet, à la fois si simple et pourtant, lourd de souvenirs.