Sur la scène du Théâtre de Poche trône un immense lit jonché de couvertures, de coussins disparates et d’animaux en peluche. Deux heures durant, les personnages d’Enfantillages vont et viennent dans ce lieu où la famille se fait, se raconte et se vit.
C’est dans cette composition rappelant les toiles des Orientalistes européens que se présente Enfantillages au spectateur. N’eut été des succès souvenirs et des trames sonores des Sakura, Pokémon et autres Cités d’or, il s’en faudrait de peu pour que les jeunes nymphes d’Ingres et de Matisse s’y couchent après le bain.
Tout au long de la pièce, créée au Théâtre La Licorne en 2013, se succèdent une série de tableaux, un chapelet de situations légères sur la parentalité, les enfants et la vie de famille. Le spectateur ne sera pas surpris d’assister à des débats sur l’éducation sexuelle ou langagière du jeune enfant ou de réentendre le sempiternel laïus sur les répercussions des enfants sur la vie amoureuse des parents. Been there, done that.
Truffée de lieux communs et non exempte de longueurs, la création de François Archambault est vide de substance et ne réinvente rien, pas même la comédie de situation dont elle emprunte la forme. Le réalisme en est apprécié et les blagues « punchées » sauvent souvent la mise, mais le propos manque cruellement de profondeur et d’originalité. On note aussi que le manque d’aplomb quant au caractère absurde de la pièce qui donne parfois au spectateur l’impression d’être dans un théâtre d’été.
Jeu d’enfants dont vous êtes le héros
Là où la magie opère, c’est dans l’imprévisibilité du déroulement de la pièce. Le public est régulièrement invité à décider du sort des comédiens et de l’ordre des scènes. On le spécifie d’ailleurs dans le programme : plus d’une centaine de combinaisons sont possibles à chaque représentation. C’est là qu’on voit que le jeu des acteurs est le pilier de la seconde proposition scénique de Léonie Grenon aux Treize. Le défi est colossal et le rendu, satisfaisant malgré quelques trébuchements.
Les vétérans Laura Maltais-Provençal (Michèle) et Éric Robitaille (Sylvain) se démarquent nettement de la distribution qui, au demeurant, offre une performance plus qu’acceptable. Tous deux, qu’on a notamment vus dans Golden Joe à l’automne, sont constants et authentiques. Là où certains manquent un peu de naturel, la présidente des Treize est plus que solide, captant l’auditoire par sa maîtrise du texte et son delivery réglé au quart de tour. Dans son rôle de jeune mère naïve et enfantine, Marie-Pier McLeod brille. Dans cette dernière pièce de l’année, celle qui éclipsait les autres femmes éplorées de La Nuit de Valognes dans son rôle de Duchesse vive d’esprit se révèle lumineuse, ingénue et adorable.