Des textes impliqués et sentis ainsi que des mélodies grandioses : voici ce que nous offre une fois encore Émile Proulx-Cloutier dans son deuxième album Marée haute. Société individualiste, technologie omniprésente et génocide culturel sont tous des sujets abordés par l’artiste au fil de ce disque marathon.
Rien ne fait peur à Proulx-Cloutier dans son nouvel album. Plusieurs tabous modernes sont attaqués de front par les textes du chanteur qui sont à la fois songés et forts.
Cette façon de parler avec franchise de sujets tels que le féminisme, la délocalisation d’industries et la vie de banlieue est rafraîchissante. Grâce à des métaphores judicieuses et audacieuses, l’artiste trouve toujours les mots justes pour traiter avec poésie de ces sujets.
La pièce Maman est particulièrement frappante en ce sens. Avec cette adaptation de la chanson nationaliste Mommy, Daddy de Marc Gélinas et Gilles Richer, Proulx-Cloutier aborde le génocide culturel qu’ont connu les peuples des Premières nations.
Que ce soit la perte de leur langue, de leurs coutumes ou de leur territoire, le chanteur décrit le sort réservé à ces peuples. Une fois de plus, le texte permet de traiter le sujet de manière franche, mais avec une force lyrique épatante. L’ajout de textes en langue innue est d’ailleurs intéressant, tout comme la présence de percussions traditionnelles.
Procédé artistique intéressant
Proulx-Cloutier a une manière exceptionnelle de rendre ses textes. D’une pièce à l’autre, l’artiste alterne entre lecture poétique sur fond musical et tour de chant, procédé qui nous amène tout simplement ailleurs. En fait, cette manière de faire donne une couleur unique a chacune des propositions de l’album.
Dans Derniers mots, cette progression entre les deux genres est observable, nous donnant l’une des œuvres les plus touchantes de Marée haute. Alternant entre discussion et chanson, l’artiste présente l’ultime échange entre un père malade et son jeune enfant. Le procédé artistique permet un ajout émotionnel indescriptible au texte de la piste.
Avec son lent débit, Proulx-Cloutier est capable de bien placer chacun de ses mots. En y portant attention, il est possible de percevoir un sens à chacune de ses paroles, comme si chacune d’entre elles avait été pensée pendant des jours et se destinait à se retrouver à cet endroit. Plus l’écoute du disque avance, plus on se retrouve hypnotisé par le timbre de voix de l’artiste, nous amenant dans son univers.
Quand la mélodie sert le texte
Les mélodies proposées dans l’album sont tout simplement épatantes. De nombreuses montées dramatiques sont orchestrées au fil des pistes rendant certaines d’entre elles épiques. En fait, la trame des pièces est toujours appropriée aux propos de l’artiste, ce qui donne à chacune des œuvres un caractère unique et vivant.
L’un des meilleurs exemples de ce phénomène est audible dans Retrouvaille, alors que l’auteur nous amène à des retrouvailles scolaires où deux anciennes flames se revoient pour la première fois depuis des années. Or, ce texte rempli de nostalgie est bien accompagné d’une trame musicale efficace donnant un sens aux paroles de Proulx-Cloutier, notamment avec l’ajout d’une piste fantôme à certains moments de la chanson.
Parmi tous les instruments utilisés sur les pièces, les cuivres sortent particulièrement du lot. Bien qu’elles ne soient pas mises en évidence, les teintes de saxophones et de trompette sont bien utilisées tout au long du disque. Ce brillant ajout donne une sonorité unique à l’album, le dotant d’une touche classique se mêlant à merveille à la voix de Proulx-Cloutier.
Somme toute, Marée haute est un disque très complet. Grâce à des textes poétiques et sincères ainsi qu’à un style unique, Émile Proulx-Cloutier vient nous charmer dès les premiers mots.