La ville de Québec déborde. Son étalement gagne du terrain à mesure que la population se cherche des propriétés abordables. André Potvin, le directeur de l’Institut Hydro-Québec en environnement, développement et société (Institut EDS), animait mercredi dernier une table ronde portant sur la densification urbaine de Québec. « La ressource non renouvelable la plus importante n’est peut-être pas les combustibles fossiles, mais bien l’espace », déclare, le professeur de l’école d’architecture de l’Université Laval.
La table ronde intitulée, Réussir l’habitat dense à Québec, réunissait trois spécialistes du domaine de l’aménagement et de l’architecture. Ceux-ci étaient Paul Dupas, directeur chez Écobâtiment; Bruno Verge, architecte chez Boon Architecture et Étienne Berthold, professeur au département de géographie de l’Université Laval.
« Contrairement à l’Europe où l’espace et l’énergie sont des denrées rares, l’Amérique n’a pas autant ces contraintes », affirme André Potvin, lançant les discussions. Selon lui, c’est l’une des raisons pour laquelle l’étalement se fait aussi vite à Québec.
« On perd de l’espace huit fois plus vite que le rythme de la croissance démographique », soutient Paul Dupas, en accord avec le professeur d’architecture. Ceci se traduit souvent par une perte de terres agricoles, selon ce que relate le directeur d’Écobâtiment.
Obstacles à la densité
Le dédain de la population de Québec envers la densification pourrait aussi être expliqué par les échecs du passé. « Au Québec, on a souvent une image peu attrayante de l’habitat dense », constate M. Dupas. Il donne en exemple la multitude de blocs gris drabes. Selon lui, il est grand temps de redorer l’image de la densité et de la rendre plus performante.
Étienne Berthold remarque qu’il y a des facteurs sociologiques forts qui attirent la population vers la banlieue étendue. « Il faut se questionner par rapport à qui habite la banlieue, ce sont des gens qui recherchent de la sécurité, de l’intimité et une proximité à la nature », révèle-t-il.
Bruno Verge n’ignore pas non plus les obstacles financiers, surtout dans le cas des projets de densification plus écologique. « Quand on parle de logement durable, c’est aussi important de penser à l’accessibilité », insiste-t-il.
M. Verge a travaillé à la conception des écoquartiers de la Pointe-aux-Lièvres et D’Estimauville. Chacun de ces projets comprend différentes composantes de densification à différentes échelles. Il est aussi fier d’affirmer que le développement de la Pointe-aux-Lièvres comprends entre autres une unité de 60 logements sociaux.
Pas dans ma cour
De son côté, Bruno Verge rappelle que la densification est la cible de controverse à l’intérieur même des quartiers. Par exemple, lorsque la ville avait été bloquée par les résidents dans sa tentative de modifier le programme particulier d’urbanisme (PPU) à Sainte-Foy.
« Il faut que les urbanistes prennent en compte les représentations citoyennes et leurs instances démocratiques », ajoute Étienne Berthold. La contestation se fait souvent sentir lorsque des promoteurs cherchent à densifier la banlieue.
«Il faut que ça se fasse plus organiquement, à un moment donné, un bungalow devient un jumelé, et le jumelé devient un bloc et ainsi de suite», soutient M. Verge.
Écono et écolo
« Le bâtiment consomme 33% de l’énergie et 50% des ressources naturelles [à l’échelle de la planète] », souligne André Dupas. Cela représente des coûts immenses, à la fois financiers et écologiques. Tout cela sans prendre en compte les dépenses reliées au transport. Selon lui, il coûte trois fois moins cher d’habiter dans un logement «dense».
Il y a aussi des avantages pour les instances gouvernementales et les contribuables. « Les coûts d’infrastructures reviennent à être beaucoup plus chers dans les endroits moins denses », précise M. Dupas. Il y a une certaine optimisation des dépenses en les concentrant sur un territoire plus petit.
Revamper l’existant
Québec a l’avantage d’avoir des quartiers centraux offrant une bonne densité de population et offrant aussi une bonne quantité de services. Cependant, beaucoup des bâtiments sont vieux et sont de «véritables passoires» telles que l’indique Bruno Verge. « Il faut vraiment travailler sur leur isolation », déplore-t-il.
Les anciens bâtiments religieux, en particulier, peuvent atteindre des niveaux élevés de décrépitudes. Ceux-ci sont souvent bien placés et intéressent ainsi les promoteurs. Leurs attraits patrimoniaux compliquent parfois la donne. Pour Étienne Berthold, l’important c’est de tenter de garder l’esprit du lieu lors de leur réfection ou remplacement.
« Ces quartiers méritent d’être revampés parce qu’ils sont bien situés », ajoute M. Dupas. Il croit même qu’il serait possible d’inverser le flux vers les banlieues en investissant dans la rénovation des bâtiments de ces plus vieux quartiers.