Crédits photo: K-Films

Napoléon en apparte: une comédie amusante, mais inégale

Avec Napoléon en apparte, Jeff Denis signe un premier long-métrage inégal, certes, mais dans lequel certaines trouvailles visuelles, sonores et scénaristiques laissent entrevoir de bien belles choses pour la suite. La comédie dont l’action se situe dans le quartier Limoilou peut également compter sur l’expérience et l’exubérance de nombreux visages connus de la scène théâtrale de la Capitale. 

Napoléon Leboeuf (Jean-Michel Girouard) est un jeune comptable timide en appartement ; intelligent, fin joueur d’échecs, il a néanmoins peu d’expérience et de compétence pour toute chose adulte – voir ici la cuisine, le lavage, et enfin les relations homme-femme. Assisté par ses deux complices, Bartho (un Maxime Robin juste et joyeusement décalé, et en cela principal moteur humoristique du film) et Charles (Denis Marchand), son père, notre antihéros tente quelques pas incertains sur la route sinueuse de la séduction. L’élue de son cœur : Joséphine (Joëlle Bond), une connaissance amoureuse des plantes, au travail dans une serre comme dans son salon enseveli de verdure. 

Le spectateur est invité à suivre les tentatives de séduction du personnage principal, plus souvent qu’autrement accompagné au loin par ses amis pour lui prodiguer de judicieux conseils ou lui servir de cuisiniers. La maladresse de Napoléon dans ses échanges avec Joséphine donne lieu à quelques moments cocasses, ponctués de calembours qui devraient tour à tour amuser et épuiser les horticulteurs amateurs dans la salle – les blagues potaches tournent majoritairement autour des plantes constituant l’environnement de travail de la jeune femme. La faiblesse des dialogues est particulièrement frappante vu le peu d’évolution du personnage de Napoléon au fil du long-métrage, en faisant une œuvre sans rebondissement ni grande profondeur : englué dans ses habitudes, le jeune comptable s’apitoie au mieux, rendant chaque rencontre avec Joséphine plus improbable. 

Un montage vivant et créatif

Le film se vit comme une longue succession de sketchs, certains plus dramatiques, d’autres plutôt amusants. L’amour immodéré de Napoléon pour le creton de sa mère ou bien son amour pour le jeu d’échecs comptent parmi les quelques éléments liant les différentes saynètes, ajoutant de la cohésion à un long-métrage qui en manque quelquefois et qui accule le cinéphile à un visionnement par moment ardu. Quelques rires francs à signaler toutefois : dans les quelques tableaux où Napoléon croise un hurluberlu beaucoup trop expansif au sauna et adepte de théories du complot et autres délires hallucinogènes aux relents de chemtrails et de puces pour contrôler la pensée. Le nom de la bibitte : Alexandre le Grand, bien sûr. 

Une courte séance de questions-réponses en présence d’une partie de l’équipe de Napoléon en apparte a suivi la projection, occasion parfaite de mettre en lumière certains des moments les plus réussis du film. Notons au passage ces scènes de discussions entre Napoléon et Bartho dans la cuisine de l’appartement, dont les dialogues en sourdines sont noyés dans la musique et transcrits à l’écrans sous forme de phylactères : l’idée est ingénieuse, d’autant plus qu’elle résulte… d’un bête problème de son lors du tournage. Les scènes où Joséphine délibère avec un couple d’amies imaginaires (Mary-Lee Picknell et Claudiane Ruelland) sur le potentiel amoureux d’un type comme Napoléon, scènes aux propos convenues, mais néanmoins bien envoyés, ont gagné en naturel lorsque les deux comédiennes sont arrivées sur le plateau avec les mêmes lignes en tête (celles du même personnage). Un peu d’improvisation aura bonifié la dynamique du duo bête et méchant. 

Pour un premier long-métrage, au-delà des quelques maladresses au niveau de la réalisation et de la scénarisation, il faut quand même noter la beauté du travail collaboratif de l’équipe de Québec. La musique de la formation Whisky Legs (en habillage sonore comme en prestation à l’écran) dynamise la comédie, bonifie certains moments forts tout en veillant à atténuer les temps morts. Les artistes visuels locaux, quant à eux, ne sont pas en reste puisqu’ils tapissent les murs du logis de Napoléon, leurs tableaux servant de brillante décoration à un personnage que l’on ne présumerait pas connaisseur (Phelipe Soldevila, Fred Jourdain et PisHier sont du nombre des artistes exposés, des cadeaux de la mère du jeune comptable, peut-être).

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