Du 12 au 23 janvier se tiendra en ligne la sixième édition du Festival Plein(s) Écran(s). Le concept est simple : vous aurez l’occasion de visionner quatre courts-métrages par jour, ces derniers étant disponibles pendant 24h. C’est donc plus d’une quarantaine de films qui seront présentés durant le festival. Pour l’occasion, nous vous présenterons tous les courts-métrages proposés jusqu’à la fin de l’événement, que nous ponctuerons de nos réflexions. Fictions, documentaires, films d’animation… différentes visions du cinéma se conjugueront pour offrir une pluralité de propositions, où toustes pourront y trouver leur compte. Nous vous encourageons grandement à y jeter un coup d’oeil : c’est un événement important, qui contribue à la démocratisation de l’art cinématographique.
Pour participer au Festival Plein(s) Écran(s), rien de plus simple : l’événement est gratuit et disponible à toustes. Vous n’avez qu’à vous rendre sur leur page Facebook ou Instagram. Sinon, sachez que les courts-métrages seront disponibles directement sur leur page web : https://pleinsecrans.com/
Par Frédérik Dompierre-Beaulieu (elle), journaliste multimédia
15 janvier : En l’autre je me retrouve
Aube (16 minutes)
Réalisation : Valentine Lapière | Carte blanche
Synopsis : Soudainement privée de libreté, Kim, 14, voit tous ses repères bousculés.
Avis : Dans ce court-métrage, Valentine Lapière enchaîne savamment les moments d’accalmie, de presque apaisement et ceux de colère, de turbulence et de détresse. La fluidité entre les scènes permet, en seulement 16 minutes, de bien rythmer le récit et de brosser un portrait complet et complexe d’une jeune fille auquel il est difficile de ne pas s’attacher rapidement, et ce, malgré ses impulsions et ses explosions. Une histoire touchante qui nous rappelle la souffrance de l’incompréhension, mais surtout, l’importance de l’empathie, du soutien, et de la seconde chance, et c’est d’autant plus vrai et pertinent aujourd’hui.
Akram (15 minutes)
Réalisation : Adrien Berlandi et Michiels Broothaerts | Distribution : Julie Dreucci | Carte blanche
Synopsis : Alexandre fait la découverte de Jalal et Akram, deux réfugiés que son colo a logé le week-end précédent.
Avis : Akram, c’est l’histoire d’un homme qui, partant désespérément à la recherche d’une chemise qu’on lui a prise, découvre bien plus que ce à quoi il s’attendait. Alors que cela semble être l’exemple typique des quêtes où le héros trouve tout ce qu’il ne cherchait initialement pas, le court-métrage renouvelle le concept en jumelant le banal et l’ordinaire à des enjeux sociaux modernes profonds. Le personnage principal se verra confronté à l’impatience, aux barrières culturelles et langagières, mais aussi à ce fameux deuxième côté de la médaille que l’égo nous empêche si fréquemment de prendre en considération. Les réalisateurs abordent d’abord la situation avec humour et ridicule, avant de se lancer dans une courbe plus dramatique qui remet habilement les choses en perspectives, sans toutefois tomber dans la lourdeur.
Le dragon à deux têtes (21 minutes) – Coup de cœur
Réalisation : Paris Cannes | Distribution : Manon Mancini | Carte blanche
Synopsis : Pour échapper à la réalité homophobe de leur pays d’origine, deux frères jumeaux brésiliens vivent actuellement en Europe.
Avis : Dès les premiers instants de visionnement, je n’ai pu faire autrement que de me laisser emporter par l’ensemble des procédés cinématographiques et le message fort qui se déployaient devant mes yeux. C’est un véritable coup de cœur pour moi. Effectivement, le fait de raconter l’homophobie et l’exil par l’intermédiaire de jumeaux qui se séparent et se retrouvent est particulièrement original, et donne lieu à des avenues et des tours de passe-passe qui m’ont rappelé l’histoire de L’Orangeraie de Larry Tremblay (se terminant sur une meilleure note, néanmoins). De plus, la multiplication des plans et de leurs composantes et la projection d’images en simultané alliées à des choix musicaux très justes venaient davantage appuyer le propos, aussi percutant soit-il lui-même. À certains moments, j’avais l’impression de me retrouver face au génie cinématographique et photographique du long-métrage Requiem for a dream. Un court-métrage coloré et ingénieux abordant des thématiques sérieuses, actuelles et importantes qui laisse entrevoir un avenir prometteur pour le réalisateur.
16 janvier : Je songe, tu songes, nous songeons
Le canapé (15 minutes)
Réalisation : Baptiste Sornin et Karim Barras | Carte blanche
Synopsis : Seul, Baptiste attend son ami Karim pour l’aider à se débarrasser du dernier meuble de l’appartement qu’il partageait avec sa copine.
Avis : Quoi de mieux qu’un film en noir et blanc et l’opéra pour parler de cœurs brisés? Sous un couvert d’abord assez dramatique, Baptiste Sornin et Karim Barras présentent l’histoire de deux amis, tous deux récemment célibataires et en peine d’amour. C’est dans un décor minimaliste et dans un contexte de rupture et de déménagement que les hommes se partageront banalement leurs états d’âme, le canapé (et l’autre) semblant être tout ce qui leur reste, comme la colle qui les gardent drôlement ensemble. L’histoire est légère, parfois triste, parfois ridicule, parfois les deux à la fois. La brèche d’une amitié que les contrastes entre le noir et le blanc arrivent à la rendre vivante, réaliste et à laquelle il est facile de s’identifier.
L’isola dei sogni (15 minutes)
Réalisation : Théo Degem | Carte blanche
Synopsis : Une nuit quand j’étais petit, je me suis réveillé sur une plage de sable noir. Sur cette île, la logique n’existait pas.
Avis : Ici, les voix d’enfants se recoupent en différentes séquences pour raconter et mettre en images un de leur rêve. Que ceux-ci soient absurdes ou beaucoup trop vraisemblables, cet interlude dans l’univers de tous les possibles de l’Île aux songes se veut, au départ, très lent, descriptif et même contemplatif à certains égards. Loin d’être une critique négative, Théo Degem réussit brillamment à jouer des normes temporelles en donnant cette impression de ralenti, de mise en suspens, comme dans un rêve. Au fur et à mesure que les histoires progressent, le tout s’accélère et s’active, de sorte que l’équilibre et l’ambiance créés par les images et décors choisis se rompent tout à coup. J’ai bien aimé rencontrer le subconscient de ces personnages, tout comme l’art de Degem.
On est pas près d’être des super héros (12 minutes) – Coup de cœur
Réalisation : Lia Bertels | Distribution : Zoé Turin | Carte blanche
Synopsis: Quand on est enfant, il y a ce moment fragile où la frontière entre l’imaginaire et la réalité se fracasse.
Avis : Dans ce court-métrage que l’on pourrait qualifier d’animation poétique, Lia Bertels nous présente des images qui traduisent le fil de la pensée d’enfants, qui font état de leurs réflexions, sur eux et sur la vie dans son ensemble. On se retrouve face à face avec une esthétique unique, dont les multiples teintes de bleu nous rappellent la nostalgie de l’enfance et de son innocence, mais aussi l’ordinaire comme le grandiose de leur imagination. C’est une façon très habile de présenter la narration qui tire ses sources de l’entrevue et du documentaire afin de réellement percevoir le monde à travers leurs yeux, ce que l’adulte en nous oublie bien souvent de faire. On est pas près d’être des super héros, c’est porter une paire de lunettes déformante le temps de 12 minutes pour nous faire voir autrement, nous faire rêver un peu, et remettre en cause certaines de nos présuppositions, surtout. Un court-métrage que je n’ai pu m’empêcher de regarder encore et encore.
17 janvier : Il est encore temps de guérir, et de s’aimer
Le jour du seigneur (7 minutes)
Réalisation : Simon Weizineau | Distribution : Travelling | Documentaire
Synopsis : S’ennuyant, un dimanche, un jeune Atikamekw passe du temps entre amis à se remémorer les bons moments avec ses chiens.
Avis : Définitivement, ce court-métrage m’aura donné l’envie de découvrir le travail de Simon Weizineau, qui semble avoir des choses bien intéressantes à dire, malgré des scènes avares de dialogues. Comme quoi on n’a pas toujours besoin d’explosions phénoménales qui n’en finissent plus à la Hollywood cheap pour attirer l’attention. Le tout s’exécute dans la simplicité, mais les plans sont visuellement beaux et ceux-ci, presque magiquement, semblent créer une ambiance propice à l’écoute, la vraie cette fois. Le monde se défait tranquillement de ses œillères et réalise peu à peu l’importance de donner la parole, notamment aux diverses communautés autochtones, de qui on a beaucoup à apprendre. Sans faire la morale, l’œuvre de 7 minutes me semble tout autant pertinente, nécessaire surtout.
Love-moi (23 minutes) – Coup de cœur
Réalisation : Romane Garant Chartrand | Distribution : Travelling | Documentaire
Synopsis : À l’aube de ses dix-sept ans, Laetitia navigue entre son trouble de l’attachement et son besoin flagrant d’amour. Dans un monde où le contrôle sur l’image est absolu, LOVE-MOI racontre la quête du grand A, à travers les diverses formes de représentation de soi.
Avis : Wow. Si de ce court-métrage n’émane pas une authenticité sans borne, je ne sais pas ce que c’est. Malgré le maquillage et les filtres, les masques tombent dans Love-moi et laissent la place à une jeune femme complexe et intéressante. La grande conscience de soi et des autres qui émane de ce portrait est suffisante pour clouer le bec aux adultes blasés qui se font plaisir à crier partout que les jeunes ne font que se plaindre et que, particulièrement les jeunes femmes, ne sont pas capables de parler en leur nom, pas capable d’autodétermination. Elles ne sont pas stupides, et leur intelligence émotionnelle ne se résume certainement pas à leurs selfies sur les réseaux sociaux. C’est une œuvre vraie, qui ne se prend pas de haut, et qui jette une lumière sur des enjeux que les nouvelles générations (la mienne inclue) côtoient au quotidien et qui ne sont certainement pas banales. Le genre de court-métrage dont le monde a définitivement besoin.
Tranche de nuit (16 minutes)
Réalisation : Romain F. Dubois et Maxime Genois | Distribution : Travelling | Fiction
Synopsis : Démoralisé par son train-train abrutissant, Pierre décide de troquer la sueur de l’usine pour la clim de l’hôtel. Enfermé avec trois autres chambreurs dans une suite dont les fenêtres laissent filtrer un morne demi-jour, il fera l’expérience d’une oisiveté apparemment tout aussi stérile que son affairement, jusqu’à ce que, de cette grisaille étouffante, naisse une idée…
Avis : Quoique le talent de ces comédiens n’était déjà plus à prouver, j’ai trouvé que ce court-métrage fût particulièrement bien joué, probablement parce qu’il a aussi été particulièrement bien écrit. En effet, j’ai cru être en mesure de déceler un certain métissage des formes, notamment dans les dialogues qui s’avéraient être très théâtraux. L’histoire en soit se voulait déjà satirique et tournée au ridicule – de pauvres riches hautains et blasés qui s’assoient sur leur privilège et s’approprie la misère des autres – mais la manière qu’a le théâtre de partir dans ces envolées absurdes est très juste dans le cas de cette œuvre cinématographique, rappelons-le. Malgré 16 minutes passées dans le même décor, le tout était bien rythmé et n’était pas du tout morne, contrairement à ce que les personnages peuvent d’abord laisser croire.
Odehimin (3 minutes)
Réalisation : Kijâtai-Alexandra Veillette-Cheezo | Distribution : Wapikoni | Documentaire et art/ex
Synopsis : Odehimin c’est se reconnecter avec soi-même et réapprendre à s’aimer.
Avis : Odehimin, c’est vivre à l’écran un poème le temps de 3 minutes. C’est un message touchant et sensible que Kijâtai-Alexandra Veillette Cheezo nous livre, sans pourtant s’enfarger dans les fleurs du tapis, sans chercher à être edgy ni en tombant dans les clichés. La réalisatrice opte pour la simplicité et la sincérité, traduisant une connexion intime avec l’Autre, puis avec soi. C’est une rencontre sans complexe (ou presque), mais qui se fait surtout avec vulnérabilité. De quoi adoucir le froid mordant des derniers temps, le temps de se mettre au chaud et de se retrouver.
Photos: Fournies par Plein(s) Écran(s)