Depuis le 17 mars dernier est disponible, sur Prime Video, la nouvelle série tant attendue signée Donald Glover (alias Childish Gambino) et Janine Nebers. Ceux et celles en deuil du précédent projet porté par Glover, Atlanta, ayant pris fin l’automne dernier après quatre saisons, seront ravi.es par Swarm. Son successeur qui concilie au cours de sept épisodes, humour noir, satire sociale et horreur psychologique pour nous entraîner, au côté d’une meurtrière en cavale, dans le monde quasi surréaliste du fandom et de la stan culture.
Par Ève Nadeau, journaliste collaboratrice
Plateforme : Prime Video | Réalisation : Donald Glover, Adamma Ebo, Ibra Ake, Stephen Glover | Distribution : Dominique Fishback, Chloe Bailey, Nirine S. Brown, Karen Rodriguez, Damson Idris, Billie Eilish, Heather Simms, Kiersey Clemons | Production : Donald Glover, Janine Nabers, Stephen Glover, Fam Udeorji, Steven Prinz, Michael Schaefer | Diffusion : 17 mars 2023
Le premier épisode a à peine débuté que je m’identifie déjà à la future meurtrière, Dre (Dominique Fishback, qui porte la série sur ses épaules). Illuminée par l’écran de son ordinateur, elle est en train de rechercher des billets pour le concert de son idole, la chanteuse fictionnelle Ni’Jah (Nirine S. Brown). Je me revois, il y a un an, sur le point d’acheter mon billet pour le concert de Phoebe Bridgers qui était de passage à Montréal le 8 juin 2022. La prévente avait déjà eu lieu et, en raison de la revente en ligne, plus aucun billet abordable n’était disponible. Comme Dre, j’étais confrontée à des prix exorbitants, allant de 250 à 600$. Je pleurais presque, car il m’était inconcevable de ne pas voir, live, cette artiste pour laquelle ma grande admiration est devenue un running-gag entre mes ami.es et moi.
Après les Beliebers, Directionners, Swifties et la Beyhive
« Swarm » (essaim) est le nom donné au fandom consacré à Ni’Jah, l’icône pop fictive qui n’est pas sans rappeler Beyonce et ses fervents fans appartenant au « beyhive ». À partir du culte voué à cette superstar, la série met brillamment le doigt sur les absurdités balancées sur le Web, répandues par les spécialistes du shitposting qui, pour quelques tweets haineux à l’égard d’autrui, de nos artistes préféré.es, souhaitent délibérément enflammer Twitter. Si dans la vraie vie on nous répète d’ignorer ceux et celles communément appelé.es « trolls » dans l’argot internet, le personnage de Dre n’en fait pas autant. En effet, peu de temps après le suicide de sa sœur (Chloe Bailey), la jeune femme tombe dans une spirale meurtrière la destinant à tuer tous.tes ceux et celles qui s’en prennent à Ni’Jah, en tweet comme en personne.
Comme si elle souhaitait construire une solide affaire de meurtre, la série use habilement de la mise en abîme : « This is not a work of fiction. Any similarity to actual persons, living or dead, or actual events, is intentional », peut-on lire en introduction de chaque épisode. Les sept épisodes se présentent comme une œuvre non-fictionnelle, autoréférencielle, basée sur une réelle histoire de meurtre à laquelle nous finissons presque par croire. (Dans l’épisode six, qui prend la forme d’un excellent documenteur, Donald Glover fait une brève apparition en tant que lui-même, créateur de la série Amazon que nous sommes en train de regarder.)
Puisque je baigne déjà dans la nostalgique d’Atlanta, je dois avouer que j’ai été enchantée de retrouver, au cœur de Swarm, le sentiment d’étrangeté et d’absurdité sur lequel, dans la précédente série, s’appuie la critique des discriminations raciales et de l’industrie de la musique. Quant à elle, la nouvelle série critique plutôt la toxicité (quoique parodiée) des fandoms de stars. En comparaison, je pense, entre autres, à la récurrence de personnages secondaires (majoritairement blancs) dont se dégagent un danger, un inconfort, tels que l’iconique Teddy Perkins présent dans la deuxième saison d’Atlanta ou encore, dans Swarm, l’inquiétante leader d’une secte valorisant l’empouvoirement des femmes. Cette dernière est jouée par nul autre que Billie Eilish, dont je salue l’impressionnante performance, particulièrement dans une scène d’hypnose à la Get out.
J’ai été heureuse de constater qu’encore une fois, Glover, même s’il flirte moins avec l’esthétique afro-surréaliste, nous place à la frontière entre l’hallucination et la lucidité, nous faisant continuellement remettre en question la réalité et les tristes fantasmes de son personnage principal.
L’importance de l’anti-héroïne
Si vous naviguez sur Google et cherchez à savoir qui sont les anti-héros de cinéma les plus aimés de tous les temps, vous risquez de tomber sur des palmarès évoquant chaque Tony Montana, Patrick Bateman ou cowboy à la Clint Eastwood qu’on réécrit et réinvente depuis des décennies. Le personnage-type majoritairement masculin, blanc, qui peuple nos écrans depuis les années 40 (pensons à l’émergence des films de gangsters), allant jusqu’à aujourd’hui (les films DC, Marvel et les Tarantino qui perdurent). Nul besoin d’être cinéphile pour noter que, dans notre imaginaire cinématographique, la figure de l’anti-héros est à dominance masculine. C’est pourquoi j’ai trouvé le renversement des représentations genrées et stéréotypées, dans Swarm, particulièrement rafraichissant.