À l’hiver 2023, le Syndicat des professeurs et professeures de l’Université Laval (SPUL) tombait en grève et demandait l’embauche d’une centaine de nouveaux.lles professeur.es. C’est finalement 80 nouveaux postes qui ont été promis par l’université. Un an plus tard, où sont les renforts?
Par François-Xavier Alarie, journaliste collaborateur
Rappelons les faits : la convention collective du SPUL venant à échéance en décembre 2022 et la période de négociation n’offrant aucune solution intéressante, les membres du SPUL se sont dotés d’un mandat de grève le 20 janvier 2023. Cette grève, qui ne devait durer que deux semaines, en aura finalement duré cinq. Les demandes du SPUL concernaient surtout trois dossiers, soit le rattrapage salarial par rapport aux autres universités québécoises, la liberté académique et l’amélioration de la (sur)charge des professeur.es… Sur ce dernier point, le SPUL revendiquait l’embauche de 100 nouveaux.lles professeur.es, mais l’Université Laval s’est engagée à en garantir 80.
Si ces embauches visent à délester les actuel.les enseignant.es de leur (sur)charge de travail, elles favoriseraient également l’accès aux cycles supérieurs variant les spécialisations professorales. En effet, particulièrement dans les plus petits programmes, il est parfois nécessaire pour l’étudiant.e de changer d’université pour se spécialiser dans le domaine de son choix, puisqu’il n’y a pas de professeur.es travaillant sur son sujet de prédilection ou encore iels ont déjà trop de dirigé.es. Un étudiant anonyme de la Faculté des lettres et sciences humaines (FLSH) mentionne que « [s]on déménagement à Québec était motivé uniquement par la perspective de faire le baccalauréat [en archéologie] et d’ensuite pouvoir [s]e spécialiser en archéologie historique à la maîtrise. Mais, depuis le départ à la retraite, il y a quelques années, du professeur spécialiste, la direction n’a pas comblé le poste, ce qui rend actuellement impossible une maîtrise en archéologie historique… Dans la ville historique de Québec! C’est ridicule ». Des étudiant.es de divers programmes, toutes facultés confondues, font face au même enjeu.
Mais où sont donc ces renforts espérés depuis un an? Contactée à ce sujet, l’Université Laval assure respecter les dispositions de la convention collective quant au plancher d’emploi de 2023. Selon cette entente, les seuils d’emploi passeront, entre le 1er janvier 2023 et le 1er janvier 2026, de 1280 à 1360. Les renforts seront donc intégrés graduellement d’ici les prochaines années plutôt qu’à travers une embauche massive spontanée. Dans l’année à venir, 20 professeur.es sont attendu.es dans nos facultés.
Mais quelles facultés se mériteront de nouveaux enseignant.es? À ce propos, Marie-Hélène Parizeau, présidente du SPUL, mentionne que le syndicat s’est battu pour faire imposer le concept d’université complète à l’administration. Cette idée veut que l’administration investisse, embauche et fasse la promotion de tous ses programmes, et non plus seulement ceux dont la formation est axée sur le marché du travail. « Ce calcul comptable de l’université est un préjugé dépassé, une vision de l’université qui n’a plus raison d’être », ajoute-t-elle. Elle se veut néanmoins rassurante : la convention collective prévoit la mise sur pied d’un comité syndical chargé de sélectionner le quart des embauches à venir afin de s’assurer que les programmes historiquement délaissés soient enfin aidés.
Pour le reste des embauches, l’université suivra des plans de déploiements. Monté par les départements, le plan de déploiement « fait état notamment des modifications récentes aux effectifs professoraux, des ressources actuellement disponibles et nécessaires à l’unité pour assumer les responsabilités qui lui incombent, des domaines d’enseignement et de recherche de ces ressources et des priorités en matière d’attribution de ressources et d’engagement ». En d’autres mots, au sein même des facultés, une liste des besoins prioritaires est établie. Au-delà des besoins exprimés par les professeur.es dans ces plans, les demandes étudiantes ont-elles une influence sur la priorité d’embauche ? L’Université Laval a préféré ne pas répondre à cette question.
Bilan des dernières embauches
L’université partage, sur son site internet, les embauches annuelles de professeur.es. Il est ainsi possible de brosser un portrait global des embauches des dernières années. Tel que le mentionnait le SPUL, une forte tendance s’observe dans les domaines liés au marché du travail, comme la santé, les sciences sociales et le génie. Les subventions spéciales et les chaires de recherche propres à ces domaines expliquent en partie l’effervescence professorale : ces nouvelles rentrées d’argent « balancent » les dépenses liées au salaire des professeur.es.
Sans minimiser pour autant le besoin d’enseignant.es dans ces domaines, force est de constater que toutes les facultés n’ont pas pu profiter de cette embauche massive. Cumulativement, les 10 facultés ayant obtenu le moins de professeurs depuis 2021 (36) en ont quand même obtenu moins que la faculté de médecine (42).
Un changement de paradigme s’impose. L’Université Laval ne peut pas espérer respecter ses cibles de recrutements de 4 000 nouveaux.lles étudiant.es (Budget 2023-2024, p. 64) sans investir massivement dans l’enseignement. Les rénovations du campus règleront peut-être quelques problèmes en façade, mais le cœur même de l’université se compose des professeur.es qui y travaillent. La rectrice et les grands décideurs se doivent d’adhérer à la vision de l’université complète que défend le SPUL afin de redonner ses lettres de noblesse à l’ensemble de ses programmes et d’attirer une relève forte et nombreuse dans tous les domaines d’études.