La situation des étudiants étrangers au Québec connaît actuellement des changements importants, alors que le gouvernement provincial cherche à encadrer davantage leur venue sur le territoire.
Par Catherine Lemaire, journaliste collaboratrice
Le gouvernement de François Legault a récemment déposé le projet de loi 74, visant à « améliorer l’encadrement relatif aux étudiants étrangers ». Cette pièce législative de douze pages donne à Québec les outils pour imposer des limites sur le nombre d’étudiant.es étranger.ères admis.es, en fonction de critères comme la région, le niveau d’études, l’établissement ou le programme. Le ministre de l’Immigration, Jean-François Roberge, a admis que l’application de cette loi se traduira par « une diminution du nombre d’admissions ». Il justifie cette mesure par une augmentation jugée trop importante du nombre d’étudiant.es étranger.ères, qui a crû de 140% depuis 2014 pour atteindre près de 124 000 titulaires de permis d’études au 1er juillet 2024.
Le gouvernement Legault avance plusieurs arguments pour justifier ce resserrement: la protection de la langue française, notamment à Montréal; la volonté d’éviter les « abus » commis par certaines écoles privées; et enfin le besoin de mieux contrôler l’immigration temporaire, qui atteint 600 000 personnes au Québec.
- Roberge a cité des exemples de « dérapages », comme un établissement privé ayant connu une hausse de 1392% d’étudiants étrangers en quelques mois, ou le campus montréalais du Cégep de la Gaspésie et des Îles, où presque tous les étudiants étaient non-québécois avant l’intervention du gouvernement.
Cette initiative soulève néanmoins des inquiétudes dans le milieu universitaire et politique. D’une part les universités soulignent la contribution des étudiant.es internationaux à la « richesse de l’expérience universitaire », et d’autre part, l’opposition craint pour le financement des établissements, les étudiants étrangers représentant une source importante de revenus.
Par ailleurs, le gouvernement du Québec a récemment annoncé un moratoire sur deux programmes d’immigration permanente, avec des répercussions significatives pour les étudiants étrangers dans la province.
Le moratoire touche directement le Programme de l’expérience québécoise (PEQ) dans son volet « Diplômés du Québec », une voie privilégiée par de nombreux.ses étudiant.es étranger.ères pour obtenir la résidence permanente après leurs études. Cette suspension, qui s’étendra jusqu’au 30 juin 2025 au plus tard, ferme temporairement une porte importante vers l’immigration permanente.
Sans cette mesure, le gouvernement prévoyait entre 15 000 et 19 000 admissions via le PEQ-Diplômés en 2025. Le moratoire vise à limiter ce nombre à environ 13 500 à 15 000 admissions. Cette réduction pourrait créer un embouteillage dans le système, rallongeant potentiellement les délais pour les futur.es candidat.es.
Les étudiant.es étranger.ères actuellement au Québec, ou celleux qui envisageaient d’y étudier avec l’espoir de s’y établir par la suite se retrouvent face à un avenir incertain. Le moratoire remet en question leurs projets d’immigration à long terme et pourrait les inciter à reconsidérer leur choix de destination d’études.
Cette décision pourrait affecter l’attractivité du Québec comme destination d’études. Les établissements d’enseignement québécois pourraient voir une baisse d’intérêt de la part des étudiants internationaux, qui constituent une source importante de revenus et de diversité culturelle.
Certains critiques, comme le Parti libéral du Québec, estiment que cette mesure s’attaque injustement aux étudiants internationaux qui parlent français, sont déjà intégrés et souhaitent contribuer à la société québécoise. Le gouvernement du Québec en revanche, voit cette mesure comme nécessaire pour mieux gérer les flux migratoires et respecter la capacité d’accueil de la province.
Du côté des étudiants étrangers, ces nouvelles dispositions créent des situations parfois ubuesques. Sophie (prénom d’emprunt) est venue étudier au Québec avec sa fille de 18 ans. Elles sont francophones, bien intégrées et depuis plus d’un an maintenant, poursuivent leur rêve canadien. Récemment, elles entament les démarches pour le renouvellement de leur statut. Si Sophie reçoit rapidement son nouveau CAQ (Certificat d’Acceptation du Québec), sa fille quant à elle fait l’objet d’un refus par le MIFI (Ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration). Ce dernier justifie sa décision en invoquant une absence d’assurance santé valable alors que la même assurance n’a posé aucun problème pour le dossier de Sophie. « Je ne sais pas quoi faire », nous confie cette dernière. « Ma fille n’est plus autorisée à aller à l’école. Elle ne peut pas non plus travailler, ni même faire du bénévolat. Je vais probablement devoir écourter mes études pour rentrer en Europe avec elle. Je ne me sens pas la bienvenue ici. Le Québec nous laisse entrevoir un avenir ici et au final, toutes les portes se ferment ».
La situation de Sophie est loin d’être un cas isolé. Pourtant, le gouvernement ne semble pas se soucier des conséquences sur la vie des personnes touchées par ces décisions. Un profond sentiment de trahison se fait sentir chez toustes celleux qui ont joué le jeu de l’immigration. Iels sont arrivé.es au Québec avec un projet d’études, un projet de vie, et il ne leur reste à présent que le choix entre se diriger vers une autre province canadienne où les règles d’immigration sont moins strictes, ou retourner à la case départ, vers leur pays d’origine.