De nouveaux enjeux de sécurité sur le campus

Il y a 15 ans, les États-Unis vivaient l’un des plus graves moments de leur histoire lors des attentats du 11 septembre. Quelques années plus tard, plus près d’ici, Montréal a du faire un deuil, le Collège Dawson ayant été victime d’une fusillade en date du 13 septembre 2006. Pour commémorer cet évènement, il y a quatre jours, l’Université McGill a publié l’une des premières formations vidéo sur le terrorisme au Canada, causant une onde de choc au sein des universités partout au pays. Un enjeu devenu, bien tristement, très important pour tout le monde au 21e siècle.

Au cours de l’été, l’Université Laval a réagi aux nombreux attentats qui secouent actuellement le monde. Un programme de formations aux étudiants allant passer des sessions à l’étranger a été mis sur pied. Depuis, plusieurs se demandent ce qu’il en est du campus, de sa sécurité et de la marche à suivre en cas d’intrusion armée. Impact Campus est allé vérifier l’état de la situation.

Sur le campus, c’est le Service de sécurité et de prévention (SSP) qui assure la sûreté des Lavallois 24h/24. Malgré son contingent de nombreux employés formés, ce groupe ne pourrait agir seul en cas d’évènement majeur. « Il serait en support à la police de la Ville de Québec qui prendrait le relai dans la gestion des opérations », répond Andrée-Anne Stewart, membre de l’équipe des relations médias de l’UL, lorsque questionnée sur la fonction du SSP dans ce contexte.

Il existe bel et bien une Politique relative à la gestion des mesures d’urgence à l’UL. Déposée en 2012, celle-ci regroupe l’ensemble des marches à suivre en situation de danger. Elle n’inclut toutefois pas toutes les possibilités, selon plusieurs. « Il y a certains documents mis de l’avant, mais il n’y a pas d’enveloppe spéciale, comme dans certains endroits, qui dictent la marche à suivre précise [en cas d’attaque] », admet Stéphane Leman-Langlois, directeur de l’Équipe de recherche sur le terrorisme et l’antiterrorisme à Laval (ERTA). D’ailleurs, à l’Université Laval, ce dernier ne croit pas que ces démarches soient nécessaires. L’administration assure pour sa part qu’un kit de communication d’urgence se retrouve dans toutes les salles de cours fenêtrées et autres locaux sur le campus et à l’extérieur.

Plusieurs étudiants avouent ne pas être au courant des règles et du protocole de sécurité en cas d’évènement majeur. La doctorante en sciences politiques de l’Université Laval Johanna Massé explique qu’il est complexe pour une institution de promouvoir le caractère essentiel de cette prévention quand un danger semble si distant. « La difficulté tient à faire comprendre l’importance des mesures de sécurité et des exercices d’entraînement à la communauté universitaire lorsque le risque est minime et paraît si lointain », lance-t-elle.

Un protocole à mieux définir ?

Le campus est jusqu’ici peu touché par la radicalisation, un terme désignant le fait de légitimer la violence en public par la défense d’idées politiques ou religieuses. Si toutefois de telles manières de penser s’introduisaient à l’UL, des solutions seraient envisageables. « S’il y a vraiment des répercussions mesurables, on pourrait en venir à développer un programme sur le vivre-ensemble et la pensée critique en politique, afin d’éviter que des recruteurs prennent de l’importance », raisonne le leader de l’ERTA. Cependant, de tels plans ne seraient pas évidents à créer et à uniformiser, avoue-t-il. L’Université Laval souligne également qu’une politique de gestion d’un comportement perturbateur ou dangereux est disponible.

Le professeur titulaire assure voir d’un bon œil le fait que l’institution ne soit pas dans une dynamique de prévention abusive et d’appel à la peur en ce qui concerne le terrorisme. Il rappelle que de grands efforts ont été déployés pour surveiller le campus, depuis quelques années, témoignant de la volonté de l’Université Laval à sécuriser ses lieux. « Il y a déjà une multiplication incroyable du nombre de caméras de sécurité sur le campus, note-t-il. Quand je suis arrivé en 2009, il n’y en avait pas beaucoup, alors qu’aujourd’hui, on en compte des centaines. »

Considéré comme l’un des campus les plus sécuritaires au Canada, le SSP étant actif 365 jours par année, l’Université Laval promet pour sa part que son protocole est toujours en transformation et que des modifications pourraient éventuellement être apportées. « Nous sommes constamment à l’affût des évènements qui se déroulent dans notre société et dans le monde pour améliorer nos mesures préventives et renforcer notre sécurité », assure Andrée-Anne Stewart.

Ce protocole devra témoigner de la réalité géographique de l’UL qui est assez unique. Plus éloignée de la ville, celle-ci ne fait pas partie d’une aire urbaine à proprement parler, ce qui augmente sa sécurité. « Nous avons la chance d’être un peu en retrait, contrairement à Concordia, par exemple, qui est très dispersée à Montréal, rappelle Stéphane Leman-Langlois. Ça signifie que nous n’avons pas la criminalité qui vient avec un espace localisé. »

Le Québec contre la radicalisation

Depuis quelques années, certaines grappes de radicalisation existent dans la province. « Partout, il y a des gens qui décident de partir au combat, poursuit le professeur. On estime qu’il y en a entre 200 et 300 au pays et une centaine au Québec. » Ces groupes se formeraient généralement auprès des cercles familiaux et amicaux à l’étranger. Certains cas ont déjà été déclarés, une fois à l’Université de Sherbrooke et deux autres fois au collège Maisonneuve de Montréal.

Des fonds ont d’ailleurs été débloqués par cette institution collégiale récemment, dans le but de mieux comprendre ce qu’est la radicalisation pour mieux la contrer. Sur le campus, Stéphane Leman-Langlois ajoute qu’une telle approche ne serait pas vraiment réalisable.    « Ce programme n’est pas encore né à Laval, puisqu’on ne saurait que faire et à qui s’adresser, note-t-il. Il faut aussi déterminer combien il faut investir pour un risque léger, mais qui n’est pas bon pour l’image corporative en même temps. »

Au Canada, malgré le choc de certains évènements d’envergure comme ceux d’Ottawa ou de Saint-Jean sur Richelieu en 2014, les victimes du terrorisme sont peu nombreuses. Malgré bien des ajustements, la radicalisation ne serait donc pas le principal adversaire, selon certains. « Bien que l’islamisme radical soit la cible régulière de craintes sécuritaires, on dénote dans les faits davantage d’incidents à dimension raciste par exemple », conclut Johanna Massé, également membre de la Chaire de recherche canadienne sur les conflits et le terrorisme.

Témoignages d’étudiants

Des étudiants de l’Université Laval sont stupéfaits que l’administration n’ait pas de plan d’intervention plus précis. Le monde entier est sur un pied d’alerte depuis peu en raison des nombreux attentats armés survenus ces derniers mois. Certaines mesures sembleraient manquer à l’appel. Impact Campus a rencontré des Lavallois qui demandent un plan concret d’intervention, d’évacuation et de confinement détaillé.

Par Catherine Paquet

Maryse Galibois, 22 ans, 4e année au Baccalauréat en éducation préscolaire et en enseignement primaire

Maryse pense qu’il devrait y avoir plus d’agents de sécurité sur le campus. « En effectuant mes stages dans une école primaire, j’ai appris les mesures de confinement. ». La future enseignante rappelle que même ses classes ont déjà certaines mesures précises. « Au primaire, on doit mettre un carton noir devant la vitre de la porte, se placer le plus loin possible des fenêtres et des portes. Il faut aussi bloquer la porte avec des objets lourds et attendre un policier. On nous conseille d’avoir des friandises dans la classe pour que les enfants gardent le calme. » Elle croit qu’un plan d’intervention plus détaillé constitue une priorité pour l’Université Laval. « Ils doivent se dire que les étudiants ont du jugement, mais dans ce genre de situation, tout peut dégénérer rapidement. »

Charles-Étienne Moreau-Talbot, 21 ans, 2e année au Baccalauréat en administration des affaires

Charles-Étienne est très préoccupé par le manque d’organisation en matière de sécurité à l’Université Laval. Il trouve « bizarre » que le plan d’intervention ne soit pas plus approfondi en cas de crime. « C’est mal organisé, surtout avec tout ce qui arrive ces temps-ci. » Bien qu’il se sente en sécurité sur le campus, Charles-Étienne n’écarte pas la possibilité qu’une personne puisse commettre un geste dangereux. Le meilleur geste à faire selon l’étudiant est de se sauver. Si ce n’est pas possible, « rester au sol me semble être la meilleure option ».

Adrian Goulet, 25 ans, bachelier en finance, étudie actuellement au Certificat en services financiers.

Adrian se dit en sécurité sur le campus. Cependant, il mentionne: « si quelque chose arrivait, je serais surpris que la réaction des agents de sécurité soit rapide ». Cet étudiant en finances poursuit en soulignant qu’il ne s’attend pas à ce que l’Université Laval ait un plan d’intervention très détaillé d’ici peu. « L’administration est assez lente à bouger et ils ont probablement d’autres priorités. » Il avoue être plus ou moins préoccupé par une possibilité d’attaques sur le campus. Dans ce genre de situation, il l’assure: « je garderais mon calme ».

Camille Trempe, 26 ans, 3e année au Baccalauréat en administration des affaires

Camille ne voit pas souvent des agents de sécurité sur le campus. L’étudiante mentionne qu’il serait peut-être temps que l’Université pense à un plan d’action plus élaboré. Elle avoue qu’elle ne saurait pas quoi faire en cas d’attaque. « Je l’ignore, je risque probablement de me mettre en dessous de mon bureau. » Camille mentionne que l’Université Laval est plus ou moins une cible pour une attaque. « Ce qui m’inquiète le plus, c’est de savoir que l’Université n’ait pas de plan d’intervention plus détaillé. Ça, c’est un peu inquiétant. »

 

Auteur / autrice

Consulter le magazine