Surévaluer et dévaluer la culture

On doit faire attention aux chiffres mis de l’avant par les opposants aux coupes. Il ne faut pas remettre en cause les bienfaits d’une industrie culturelle en santé, mais l’affirmation simpliste voulant que l’investissement public en culture rapporte 11 fois la mise initiale n’est pas réaliste. Ces données proviennent, supposément, d’une étude du Conference Board du Canada sur les moteurs de l’économie créative. Pourtant, dans cette étude, il n’est aucunement fait mention du ratio 1 pour 11, ni même du financement public de la culture.

Cette affirmation est basée sur le fait qu’en 2007, la somme des investissements en culture de tous les paliers gouvernementaux a atteint 7,9 G$, et que la part du PIB attribué à ce secteur est de 84,6 G$. Si on fait la division, on arrive au résultat promulgué. Par contre, ce calcul est totalement absurde et le Conference Board ne fait pas cette erreur. Le total de 84,6 G$ représente toutes les dépenses directes, indirectes et induites, ce qui veut dire autant l’impression des billets de théâtre que l’argent dépensé au restaurant avant un concert. Cela voudrait dire que la totalité des dépenses engendrées par le secteur culturel découle des subventions, ce qui est un non-sens.

La guerre des chiffres est jouée aussi du côté des conservateurs. Avec un budget fédéral pour les arts et la culture de l’ordre de 2,31 G$, Harper affirme avoir augmenté les dépenses en culture de 8 % depuis 2006. Cette augmentation est surtout dirigée vers les infrastructures culturelles. Bien que nécessaires au développement artistique, ces dépenses n’ont pas toujours une incidence directe sur les difficiles conditions socio-économiques des artistes. Avec un salaire moyen de 23 000 $, les protagonistes du monde culturel verront leur qualité de vie affectée, mais ce sera surtout leur potentiel d’exporter leur talent à travers le monde qui sera entravé.

À Québec, l’industrie culturelle va bon train, stimulée par les fêtes du 400e qui ont apporté une manne de touristes. Les projets ne manquent pas: agrandissement du Musée des beaux-arts, théâtre souterrain de Robert Lepage, agrandissement du théâtre du Capitole. Le maire Labeaume veut même créer un fond culturel pour financer les grands événements. Ces projets sont importants pour faire de Québec une capitale de la culture, mais les subventions qui permettront aux artistes de se développer le sont tout autant. Pour faire connaître la culture de Québec, et du Québec, nos artistes ont besoin d’exporter leur talent et se perfectionner en vivant de leur art. Sans subventions, il sera difficile de ramener les touristes étrangers et d’intéresser la population.

Il n’est pas évident de dire si la décision des conservateurs est une bonne ou une mauvaise décision économique en période de ralentissement. Par contre, ces coupes sont une atteinte à la dignité des artistes, qui vivent dans des conditions difficiles. L’importance de la culture ne devrait peut-être pas être traduite par son aspect économique, mais par son aspect social. Les arts et la culture permettent de développer une identité forte dans un monde mondialisé.

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