Photo : Marc Robitaille

Campus carboneutre : Bilan vert pour l’UL

Avec sa réduction de 27 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) émis sur son territoire, l’Université Laval est devenue la première université québécoise carboneutre. Grâce à un travail de longue haleine, alliant technologie et recherche, l’UL a réussi à compenser ses émissions. Éclairage et rencontre avec les principaux acteurs de ce bilan vert.

L’impact climatique de l’Université est dorénavant nul. « Tout ce qui a été émis en gaz à effet de serre a été compensé : cela s’annule donc », vulgarise Nancy Gélinas, professeure titulaire au Département des sciences du bois et de la forêt. L’atteinte de la carboneutralité a été rendue possible, entre autres, grâce à la réduction des émissions de GES (à hauteur de 27 %), à l’aménagement de la Forêt Montmorency (25 % de l’effort total) et à l’achat de crédits carbone (14 %).

Pour Hugues Sansregret, directeur des opérations de la Forêt Montmorency, ce bilan est le résultat d’un long travail autant sur le terrain qu’au plan de la recherche. « C’est comme si, d’un côté, on avait mis une cloche de verre expérimentale sur le campus afin de regarder combien de tonnes sont émises par les activités dont on est responsable. Et de l’autre, on a mis une même cloche au-dessus de la Forêt Montmorency, car elle considérée comme faisant partie du campus universitaire. On a ainsi deux écosystèmes différents : un qui émet, l’autre qui absorbe », image-t-il.

Compenser et réduire les émissions de GES

La Forêt Montmorency, plus grande forêt d’enseignement et de recherche au monde, capte plus de 13 000 tonnes de GES des 40 000 qui sont émis par l’UL. « On ne résout pas tout, mais on est bien fiers de ce résultat », énonce M. Sansregret. Parmi les actions menées par les chercheurs, le développement de modèles d’aménagement spécifiques, notamment grâce à la sylviculture de peuplement, a permis d’augmenter la capacité de la Forêt à capter le carbone. À cela s’ajoute l’agrandissement de la superficie de cette forêt d’enseignement et de recherche.

Autre bilan positif du côté du Service des immeubles : l’optimisation de la combustion des chaudières de la centrale d’énergie et l’ajout d’une chaudière électrique ont réduit de 27 % les émissions de GES liées au chauffage entre 2006 et 2015. « C’est certain qu’on a le bon et le mauvais rôle, commente Gilles Pelletier, directeur adjoint du Service des immeubles. On n’a pas seulement une maison à chauffer, mais le campus, c’est une ville de 60 000 âmes. C’est un défi d’alimenter tout cela en puissance de chauffage. »

Grâce à des installations titanesques à la fine pointe de la technologie et à des calculs s’attardant au mesurage de la production énergétique, le Service des immeubles a pu considérablement abaisser son impact environnemental. À coût nul ? « Il y a eu des investissements bien entendu, comme la chaudière électrique. Mais on a fait le choix d’avoir des projets d’abaissement de consommation d’énergie, tant du côté du chauffage que de l’électricité. Cela permet de réduire les émissions de GES. Ceci engendre également des économies d’ordre monétaire. Grâce à des dépenses évitées, on a pu financer l’achat de crédits carbone », résume M. Pelletier.

Les coûts-bénéfices de la carboneutralité sont donc des plus avantageux pour l’UL. « D’arriver à ce bilan n’a rien coûté, car il y a eu des économies d’énergie. Même s’il y a eu un investissement à la base, cela a permis de faire baisser la facture de chauffage par exemple », explique Nancy Gélinas, en se questionnant tout de même sur le temps du retour sur investissement.

Les membres de la communauté universitaire oubliés ?

Seul bémol : les émissions engendrées par les membres de la communauté universitaire, dans leurs déplacements par exemple, ne sont pas prises en compte dans le calcul. Pour Hugues Sansregret, ces émissions sont considérées comme « indirectes » et restent difficiles à contrôle. Celui-ci insiste sur la liberté d’action des individus : « Les gens ont le droit de faire ce qu’ils veulent. »

La professeure au Département des sciences du bois et de la forêt n’est pas si catégorique : « Éventuellement, cela devrait être pris en compte. Il y a déjà des actions qui existent sur le plan individuel, comme l’achat de la vignette verte, ou la compensation des émissions dans les rapports de dépenses, mais cela se fait sur une base volontaire. » Selon la spécialiste en économie de l’environnement, le portrait environnemental de l’Université serait plus réaliste si on prenait en compte les émissions des acteurs de la communauté. « On remarque quand même un mouvement. Presque tous les événements sur le campus sont écoresponsables. C’est un changement majeur ! » opine-t-elle.

Tous les intervenants s’accordent pour dire que l’atteinte de la carboneutralité est un gain pour l’Université, tant pour son impact environnemental que pour son image. « Il y a un bénéfice : nous avons l’image de “bon citoyen corporatif”. Cela permet de faire du recrutement d’étudiants », conclut Mme Gélinas en insistant sur la conscience environnementale plus élevée chez les jeunes et les étudiants.

La Forêt Montmorency : poumon du campus

Avec ses 412 km2 de territoire, la Forêt Montmorency permet à l’UL de compenser une bonne partie (environ 25 %) des gaz émis par et sur le campus. L’année dernière, la surface de la forêt a été agrandie. « On n’a pas acheté ce territoire. Il nous a été donné par le gouvernement », précise le directeur des opérations de la Forêt Montmorency.

De par sa mission de forêt d’enseignement et de recherche, la Forêt Montmorency va au-delà du modèle d’aménagement prescrit par le gouvernement. « On peut aller plus loin que ce qui se fait déjà dans le domaine public. En allant chercher 65 % du rendement de cette surface, on va arriver à 13 000 ou 14 000 tonnes de carbone captées de plus par rapport à ce qu’on ferait normalement par an », détaille Hugues Sansregret.

Les effets de ces aménagements devraient être visibles dans 5 ans. « Si on n’atteint pas les objectifs, l’Université va corriger le tir en achetant des crédits carbone. Ou cela sera compensé par les économies d’énergie faites par le Service des immeubles. Tous les efforts se compensent, c’est ce qui est mobilisant », estime M. Sansregret.

Chauffer le campus : une entreprise titanesque

Le Service des immeubles a la tâche d’éclairer et de chauffer tout le campus : « une ville de 60 000 âmes », comme le résume Gilles Pelletier. Même si les quatre énormes chaudières bombardent le campus en vapeur d’eau chaude, c’est grâce à travail d’orfèvre que l’on arrive à optimiser la consommation d’énergie sur le campus. Par exemple, le Stade Telus est chauffé en grande partie par une centrale d’eau refroidie qui se trouve à côté du bâtiment. L’énergie dégagée pour la climatisation est recyclée et sert à chauffer le Stade.

Le campus est en effet chauffé grâce à de la vapeur, énergie qui ne pollue pas. Après sa production, elle est acheminée vers les immeubles. Elle se condense et revient à la centrale où elle est réutilisée pour reproduire de la vapeur. Ainsi, 90 % de l’eau reste dans le circuit.

D’autres installations appuient la réduction de consommation d’énergie, tels des thermostats à technologie numérique ou la mise en place de systèmes d’arrêt-départ, qui font en sorte que la ventilation s’arrête lors les bâtiments sont vides.

En chiffres

13 945 tonnes de CO2 captées par la Forêt Montmorency en 2014-2015.

27 000 tonnes de GES en chauffage émises par an, en moyenne.

11 millions m3 de gaz brûlé en une année.

8,5 millions $ de coûts d’électricité en 2014.

4,9 millions $ de coûts de chauffage en 2014.

Des petits gestes qui comptent !

Vignette verte : C’est un supplément de 17$ que vous déboursez lors de l’achat de votre vignette de stationnement. Cet argent-là va dans le fonds vert de l’Université, qui sert notamment au reboisement de la Forêt Montmorency. L’argent peut également servir au fonds de développement durable qui finance certaines activités vertes sur le campus.

Rapport de dépenses : Les professeurs et membres du personnel de l’Université, entre autres, lorsqu’ils produisent leur compte de dépenses, ont l’option de compenser les émissions produites lors de leurs déplacements par exemple.

Événements écoresponsables : La plupart des événements sur le campus sont désormais écoresponsables. Lors de certains congrès ou colloques par exemple, les émissions de carbone engendrées par les participants sont calculées pour que les organisateurs compensent ces rejets.

Quels sont les plus gros consommateurs d’énergie du campus ?

Mauvais élèves : Selon Gilles Pelletier, les laboratoires de science font figurent de plus gros consommateurs d’énergie sur le campus. Dans ces labos se trouvent des hottes pour maintenir des conditions de salubrité dans la pièce. Aux 5 min, l’air du local est renouvelé entièrement. Afin de réduire cette consommation d’énergie, des détecteurs de mouvements ont été installés pour que le taux de changement d’air soit moindre quand il n’y a personne qui travaille dans le labo.

Bons élèves : À l’inverse, les nouveaux pavillons, comme le Stade Telus et le Super PEPS, sont moins voraces en énergie. Autre cas à souligner : le pavillon Ferdinand-Vandry, dont la superficie a presque doublé, mais qui ne dépense pas plus en chauffage.

Auteur / autrice

  • Margaud Castadère-Ayçoberry

    Derrière ce nom imprononçable aux accents d’outre-Atlantique, cette bordelaise rêve d’ici et d’ailleurs. Récemment graduée en journalisme international, elle poursuit une maîtrise en relations internationales. Journaliste active et enjouée, elle est constamment en quête de nouveaux sujets. Friande d’actualités, elle est aussi à l’aise dans une salle de rédaction, dans un studio de radio, ou à une terrasse de café. Malgré sa petite taille, elle sait se faire entendre et avec elle… le monde bouge !

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