Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dresse l’état des connaissances advenant la hausse de 1,5°C de la température terrestre. Les preuves s’amoncellent quant à la dangerosité des changements climatiques ainsi que de leur pendant, soit l’inertie de la communauté internationale. Devant l’état des choses, Nathalie Barrette, professeure titulaire au département de géographie à l’Université Laval, nourrit deux sentiments : un espoir lumineux envers les jeunes, de même qu’un sens du pragmatisme.
L’auditoire d’un cours intitulé « Changements climatiques » offre à Madame Barrette une fenêtre sur l’avenir : les jeunes y font figure de leaders. Ils grossissent une « masse critique » qui, ose-t-elle croire, délogera la communauté internationale de son immobilisme. « Ma confiance, elle est beaucoup dans les jeunes générations. Parce que je le vois dans mes classes, comment les étudiants-es sont hypersensibles à des choses ».
De l’avis de la professeure, dans la lutte aux changements climatiques, le leadership sera non seulement multiple, mais exercé à l’échelle de « petites communautés ». « Ce que montre le film Demain par exemple, c’est que plus on va vivre en petites communautés et parvenir à satisfaire nos besoins à l’intérieur de celles-ci, mieux on va atteindre certains objectifs ».
Le cri dans le désert des scientifiques
Les décisions à courte-vue prises par les politiciens-nes sont invoquées par nombre de chercheurs-ses, inoculant un sentiment d’impuissance dans la communauté scientifique. Pour les dirigeants-es, engager des changements radicaux pose le risque de froisser l’électorat. Bousculé dans ses habitudes, celui-ci sera moins enclin à reconduire le mandat du parti au pouvoir.
Madame Barrette considère que les preuves scientifiques des catastrophes à venir existent. À ce titre, la communauté internationale n’est pas tombée des nues en parcourant le rapport du GIEC : « ça étoffait simplement l’idée de ce qu’implique la hausse d’1,5°C ». Or, « essentiellement, la science a suffisamment évolué, tranche la professeure. À un moment donné, ça ne donne plus rien de faire des modèles numériques du climat plus performants, de dresser des scénarios plus détaillés. Beaucoup des technologies : on les a. Beaucoup des options : on les a ».
Un changement cognitif à opérer
Une question se pose : qu’est-ce qui saura mobiliser la communauté internationale ? À d’autres instants de notre évolution, le cours de certaines catastrophes annoncées a pourtant été renversé. Il n’y a qu’à invoquer la lutte contre les CFC et les agents responsables de la destruction de la couche d’ozone. Le Protocole de Montréal avait scellé la conjonction des efforts internationaux pour pallier la situation.
La différence réside dans les « images » qui frappaient alors les esprits – celle d’un trou béant dans la stratosphère en l’occurrence. Or, en matière de changements climatiques plus globaux, « on commence à mettre des images dans la tête des gens, selon Madame Barrette. Et ça, ça peut faire en sorte que les gens changent leurs habitudes de vie ».
La professeure considère ainsi que le prochain changement devra s’opérer au sein des consciences. « C’est vraiment au niveau cognitif qu’il faut ouvrir la voie. Là, il faut s’asseoir : il y a quelque chose dans notre cerveau, on est tous sensibilisés, mais on a tous de la difficulté à faire les bons choix. C’est quoi qui se passe dans notre tête? »
Une attitude pragmatique face à la catastrophe inéluctable
Devant l’imminence des changements climatiques, Madame Barrette affiche un sens du pragmatisme. Avec le temps, elle a perdu sa naïveté : « je sais qu’on n’y arrivera pas, mais en même temps, on n’a pas le choix. Donc il faut aussi rassembler en parallèle les moyens pour aider les gens et les pays qui vont être plus victimes de certains aléas climatiques ».
La lutte contre les changements climatiques est toutefois à géométrie variable. Madame Barrette donne l’exemple du Québec, aux prises avec un « beau et mauvais problème » : son économie reposant déjà très peu sur l’énergie fossile, « nos quelques sources de gaz à effet de serre (GES) » sont en fait « liées à notre façon de vivre. Notre effort, il touche des affaires hyper sensibles ». C’est le cas des transports, d’autant plus importants pour le Québec que son territoire est vaste.
La population devra ainsi rassembler son courage pour engager une véritable lutte – quitte à se rallier aux jeunes, à l’instar de Madame Barrette dont « l’espoir s’est transféré vers l’esprit des nouvelles générations, vers leur désir de changement ».
Le GIEC, c’est quoi ?
Le GIEC est un organisme de l’Organisation des Nations Unies et de l’organisation météorologique mondiale. Le mandat du groupe, dont la neutralité est fondamentale, est d’observer l’évolution des conditions climatiques et de renseigner les dirigeants-es mondiaux quant à l’état des connaissances. Le dernier rapport étayait spécifiquement les répercussions d’une hausse d’1,5°C de la température terrestre. Les rapports du GIEC précisent le niveau de confiance associé aux études qui font l’objet de la recension des chercheurs-ses. Ultimement, ils sont soumis pour adoption auprès des États. Après que l’Arabie Saoudite ait exprimé quelques réticences initiales, le dernier rapport a été adopté à l’unanimité le 6 octobre dernier. Son contenu alimentera les discussions lors de la prochaine conférence internationale sur les changements climatiques à Katowice en Pologne. Pour consulter le rapport :http://www.ipcc.ch/report/sr15/ Une version résumée en langue française sera éventuellement disponible.