Le Comité indépendantiste de l’Université Laval (CIUL) a organisé, le 15 février dernier, une conférence sur l’indépendance du Québec au pavillon Charles-De Koninck. Les personnalités invitées n’étaient nul autre que Sol Zanetti, député de Québec solidaire, et Émilise Lessard-Therrien, co-porte-parole du même parti. Indépendance, souveraineté alimentaire, décolonialisme et assemblée constituante comptaient parmi les sujets à l’ordre du jour.
Henri Paquette, journaliste collaborateur
N’importe quelle personne présente dans la salle ce soir-là aurait pu ressentir la fibre indépendantiste bouillonnante qui réunissait tous les gens présents. Sur environ une cinquantaine de personnes réunies, la très grande majorité s’est dit être convaincue par le projet d’indépendance; deux personnes seulement se disaient hésitantes.
Préambule et impressions
Pour le président du Comité indépendantiste, Félix L’heureux Bilodeau, l’organisation de cet événement visait deux éléments principaux. Si le premier objectif d’aller rejoindre des gens « moins convaincus » par le projet d’indépendance fut un échec, il n’en est pas de même pour sa volonté de remettre en marche le Comité.
« On repart le Comité indépendantiste de l’Université Laval », a-t-il laissé savoir en entrevue. « Recruter des nouveaux membres, recruter de nouvelles personnes pour s’impliquer pour pouvoir faire plus d’activités sur le campus », voici le but qu’avait lancé monsieur L’heureux Bilodeau en vue de « promouvoir davantage l’idée d’indépendance ».
Du côté des conférencier.ères invité.es, l’excitation était palpable. C’était le cas d’Émilise Lessard-Therrien qui a manifesté son intérêt d’en apprendre plus sur la perception des étudiant.es au projet d’indépendance. « Très hâte d’avoir la discussion et surtout d’entendre les questions, de voir [qu’elles sont] les préoccupations des étudiants et comment ils aiment parler d’indépendance », avait alors déclaré la co-porte-parole féminine de Québec solidaire.
Pour monsieur Zanetti, cette conférence sur l’indépendance du Québec est sa 72e depuis 2016. En entrevue la semaine passée avec Impact Campus, il en a profité pour présenter le programme « Nouveau Québec », campagne lancée par son parti afin de faire la pédagogie de l’indépendance auprès des jeunes. En ce sens, il voit cette conférence comme un moyen de politiser et de sensibiliser les jeunes à la cause souverainiste.
« À partir du moment où tu es politisé, tu vois la pertinence d’aller voter. […] C’est une question de politisation, donc on va aller… semer la politisation! » – Sol Zanetti, député de Jean-Lesage
La souveraineté alimentaire comme cheval de bataille d’Émilise Lessard-Therrien
Pour la représentante de Québec solidaire, provenant d’ailleurs d’une région rurale de l’Abitibi-Témiscamingue, la notion du territoire a pris toute son importance pour parler du projet de souveraineté et, surtout, de souveraineté alimentaire.
Selon elle, le Québec ne dispose pas d’assez de pouvoirs en agriculture ou, dans le cas des pêches, ne dispose d’aucun pouvoir pour permettre aux producteur.rices locaux.les de nourrir la population, ici, d’abord et avant tout. Le gouvernement fédéral élaborerait des accords internationaux désavantageux pour le Québec dans lesquels les agriculteur.rices, devant respecter plusieurs quotas voués à l’exportation, seraient prisonnier.ères.
L’accord de libre-échange Canada-Europe adopté il y a environ cinq années a aussi été abordé par l’ex-députée. Dans cette entente, le Canada acceptait d’exporter de grandes quantités de bœuf vers l’Union européenne. En échange, cette dernière allait voir ses produits fromagers importés par le Canada. Pour madame Lessard-Therrien, il y a eu un gagnant et un perdant dans cette histoire : pour le premier rôle, les provinces de l’Ouest, grandes productrices de bœuf, et pour le deuxième rôle, le Québec. Beaucoup plus de fromageries sont situées dans la Belle Province que dans l’Ouest. Une partie importante de l’économie locale québécoise subit donc grandement les dommages de la concurrence européenne.
« On est pris avec des accords de libre-échange qu’on ne contrôle pas », s’est indignée la porte-parole du parti. Ainsi, la gestion du territoire et des ressources naturelles, au Québec, s’en trouve gravement affectée en fonction des intérêts économiques d’autres parties du Canada priorisés dans ces accords.
Dans cette optique, Sol Zanetti critique également le système fédéral. Ce dernier doit tenter de concilier trop d’économies différentes liées à des réalités géographiques contradictoires, ce qui amènerait, trop souvent, à ne pas écouter les intérêts québécois. Il s’agit d’une des nombreuses raisons qui poussent les deux conférencier.ère.s à privilégier la souveraineté du Québec comme solution.
Décoloniser le Québec
Le député de Jean-Lesage n’a pas perdu une seconde pour parler de décolonialisme. En plus de considérer le Canada comme « une colonie des multinationales étrangères », il est d’avis que ce pays est archaïque en faisant perdurer ses pratiques coloniales au Québec. Il reproche entre autres au gouvernement fédéral de ne pas respecter la volonté de plusieurs communautés autochtones.
En guise d’illustration, le député solidaire a évoqué l’organisation des cérémonies de rapprochement, qu’il considère comme trompeuses, avec les Premières Nations. « Vraiment pas longtemps après, ils [le gouvernement fédéral] voulaient faire passer des pipelines ».
L’indépendance du Québec serait la solution pour outrepasser ce colonialisme d’après lui.
L’Assemblée constituante comme nouvelle manière de faire la souveraineté
Il ne fait aucun doute que la solution de l’Assemblée constituante est celle privilégiée par les conférencier.ères, parce qu’elle serait la plus fiable pour récolter un succès lors d’un éventuel référendum.
Ce principe part du fait que les citoyen.nes québécois.es de tout horizon pourraient s’exprimer dans l’exercice démocratique qu’est l’élaboration d’une Constitution populaire. Le but envisagé par Québec solidaire est alors de donner la capacité aux gens de savoir les détails du projet de souveraineté sur lequel ils et elles se prononceront.
Pour les solidaires, l’Assemblée constituante assurerait d’éviter un troisième échec à un référendum.
Une possible alliance avec le Parti Québécois?
Le 9 février dernier, le chef du Parti Québécois, Paul St-Pierre-Plamondon, affirmait que si le PQ et QS convainquaient tous leurs électeur.rices de voter « OUI » à un référendum, l’appui à la souveraineté atteindrait 48 % selon les plus récents sondages.
Questionnée sur la possibilité de faire une alliance transpartisane avec le PQ, madame Lessard-Therrien a manifesté une certaine ouverture tout en restant très prudente sur le choix de ses mots.
« Plus il y a des promoteurs de l’idée de l’indépendance, mieux c’est. Le PQ fait à sa façon, nous le faisons à notre façon. Je pense que si ça permet d’accroître le plus possible l’adhésion […] à l’indépendance, pour moi, on atteint un objectif important. » – Émilise Lessard-Therrien, co-porte-parole de Québec solidaire et ex-députée de Rouyn-Noranda-Témiscamingue
Pour monsieur Zanetti, il est clair qu’il y aura une forme d’appui et de coopération entre les deux partis politiques souverainistes représentés à l’Assemblée nationale.
« Peu importe le prochain gouvernement qu’on va avoir, que ce soit le Parti Québécois ou Québec Solidaire, moi, je suis persuadé que l’autre parti, quand il va s’agir de faire la promotion de l’indépendance, de déposer une loi pour instituer une Assemblée constituante ou un référendum, c’est clair que l’autre parti va appuyer ça. » – Sol Zanetti, député de Jean-Lesage
Cette soirée aura été l’occasion pour bien des souverainistes universitaires de se rencontrer, d’échanger et d’argumenter sur les positions présentées par les personnalités politiques de Québec solidaire. D’autres rencontres de promotion de l’indépendance seront prévues à l’horaire du Comité indépendantiste dans les prochains mois, avec des conférenciers d’autres partis souverainistes, comme le Parti Québécois, le Bloc Québécois, sur la scène fédérale, et Climat Québec, dirigé par Martine Ouellet.