Crédit photo : Félix Étienne

Un débat pour le rectorat qui fait peu de flammèches

Le premier et seul débat public de la course au rectorat de l’Université Laval s’est tenu mercredi le 17 mars au Grand Salon du pavillon Maurice-Pollack. Opposant la rectrice sortante, Sophie D’Amours, à son ancien adversaire lors de la précédente course au rectorat, Éric Bauce, le débat a permis aux deux candidat.e.s de présenter leur vision respective de l’avenir de l’Université Laval.

Par Félix Étienne, directeur de l’information

C’est devant un public assez nombreux que j’ai estimé, à vue de nez, à près de 150 participant.e.s, que s’est tenu le débat entre Sophie D’Amours et Éric Bauce. Organisé par les Rassemblement des associations et syndicats de l’Université Laval (RASUL), le débat était animé par le journaliste et chroniqueur Simon Jodoin et structuré en cinq grandes parties, précédées par une présentation générale des deux candidat.e.s. Dans chacune de ces parties, toutes consacrées à des thématiques précises (enseignement, recherche, vie étudiante, rétention du personnel et « bienveillance » de l’administration universitaire), les deux candidat.e.s disposaient d’une période de cinq minutes pour présenter leurs propositions respectives, avant de passer à une période de questions/réponses, également pour une durée de cinq minutes.

Éric Bauce a d’emblée fait valoir son long parcours et son expérience qui le qualifieraient pour le rectorat. Celui qui est professeur à l’Université Laval depuis près de 30 ans et qui a occupé, de 2007 à 2017, le poste de vice-recteur exécutif et au développement a toutefois tenu à se présenter comme un candidat porteur d’une nouvelle vision « collaborative ». Il a déclaré à maintes reprises s’inspirer de l’expérience qu’il a acquise dans les cinq dernières années, alors qu’il a participé à la mise sur pied de l’Université Mohammed VI Polytechnique, au Maroc.

Sophie D’Amours, de son côté, a consacré une partie importante de son temps de présentation pour vanter son bilan des cinq dernières années. Elle a notamment présenté la réponse de l’Université face à la crise de la COVID-19 comme un succès, attribuant celui-ci au climat de confiance qui régnait entre les différents acteurs de la communauté universitaire. Elle a tenu à présenter sa plateforme sous la thématique d’une « université d’impact », souhaitant que l’Université Laval soit un partenaire actif des différents acteurs de la société civile.

Panser les plaies de la pandémie pour penser l’après-COVID

La pandémie de COVID-19 ayant constitué l’une des crises les plus importantes avec lesquelles la rectrice sortante a dû composer lors de son mandat, la thématique de l’après-pandémie a été présente en filigrane durant une grande partie du débat. Les deux candidat.e.s ont tous deux souligné que la formation offerte par l’Université prendrait nécessairement un caractère hybride, intégrant une certaine part de techno-pédagogie. Ceci dit, la rectrice sortante a semblé davantage enthousiaste vis-à-vis cette dernière, vantant l’expertise acquise par l’Université Laval dans le domaine et évoquant même l’utilisation possible du Métavers comme outil pédagogique. De son côté, Éric Bauce s’est montré plus circonspect, reconnaissant le grand potentiel offert par la techno-pédagogie, mais rappelant que celle-ci n’était qu’un outil pédagogique parmi d’autres, et non une finalité en soi. Mme D’Amours et M. Bauce se sont toutefois entendu.e.s sur la nécessité d’offrir un meilleur accompagnement au personnel enseignant et aux étudiant.e.s, particulièrement dans l’optique de l’utilisation de la techno-pédagogie et des débats entourant la liberté académique.

La question du financement universitaire s’est également retrouvée à l’ordre du jour. Si les deux candidat.e.s saluaient le réinvestissement octroyé par Québec dans le réseau universitaire depuis 2017 et la bonne santé financière de l’Université Laval, Éric Bauce a remis sur la table le projet de Fonds des services de santé et d’éducation post-secondaire (FSSEP), proposé par la CADEUL depuis 2014 et qui permettrait d’accroître significativement le financement public de l’enseignement supérieur. Le financement octroyé à la recherche a suscité quelques flammèches entre les candidat.e.s : alors que la rectrice sortante s’est félicitée que le financement de la recherche à l’Université Laval ait augmenté de 44 % durant son mandat, cette affirmation a été vivement contestée par son adversaire, qui a estimé que cette hausse n’atteignait que 9 %. Autre moment fort du débat : Mme D’Amours s’est attaquée aux déclarations de M. Bauce – qui dénonce le fonctionnement qu’il juge « pyramidal » de l’Université – déclarant que celui-ci donnait une image trop négative de l’institution, tout en rappelant qu’il avait longtemps occupé des postes de responsabilité au sein de l’administration de l’ancien recteur Denis Brière. Éric Bauce a répliqué en faisant valoir que le modèle collaboratif qu’il prône désormais répond davantage aux nouvelles exigences du XXIe siècle et qu’il s’agit d’une orientation prise par plusieurs universités à travers le monde.

La question du financement privé et des partenariats entre l’Université et certains acteurs économiques s’est également retrouvée au centre des discussions alors que l’Université Laval s’est retrouvée dans l’eau chaude dans les dernières années en raison d’ententes secrètes signées avec Huawei et le Port de Québec dans le cadre du projet Laurentia. Les deux candidat.e.s étaient d’accord pour encadrer les partenariats avec les entreprises privées via des normes éthiques plus sévères, et promettaient tous.tes deux de rendre publiques les ententes conclues dans le cadre de ce type de partenariats.

De manière générale, on peut dire que ce débat s’est révélé somme toute assez cordial et a permis au public de constater que les programmes respectifs de la rectrice sortante et de son adversaire présentaient davantage d’orientations communes que de divergences de fond. Il est toutefois regrettable qu’à la différence du débat tenu lors de la course au rectorat de 2017, aucune période de question du public n’était prévue à la fin du débat. De plus, le choix de Simon Jodoin en tant que modérateur des échanges était, à mon avis, une erreur : celui-ci formulait de trop longs préambules partant dans tous les sens avant de poser des questions parfois très vagues, auxquelles les candidat.e.s donnaient des réponses dont le lien avec la question posée était parfois très relatif.

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