Internat en psychologie: Un boycott à double tranchant

Les étudiants au doctorat en psychologie de l’Université Laval boycottent à la fois leur stage et leur internat depuis l’hiver dernier.

Cela fait maintenant 10 ans que la formation est obligatoire pour ceux qui veulent exercer la profession. Cependant, aucune rémunération n’est attribuée aux internes durant la dernière année de leur cursus.

Selon Eddy Larouche, président de la Fédération interuniversitaire des doctorant.e.s en psychologie (FIDEP), de nombreuses analyses et études ont été faites durant les dernières années sur une possible rémunération. Il s’avère justement que le dossier n’a « jamais autant avancé » depuis la mise en place du boycott en décembre 2015, explique-t-il.

Les principales revendications de la part de la fédération, qui regroupe tous les doctorants en psychologie du Québec, concernent la rémunération des internes et la reconnaissance de la profession. L’un n’allant pas sans l’autre, les internes et les stagiaires travaillent de pair afin de faire valoir la profession de psychologue au même titre que d’autres du domaine médical (médecine, pharmacie…).

Près de sept mois après l’annonce du boycott, la ministre responsable de l’Enseignement supérieur, Hélène David, a mandaté le docteur Luc Granger, ancien vice-président de l’Ordre des psychologues du Québec et de la Société Canadienne de psychologie, afin qu’il émette des recommandations sur la rémunération des internats en psychologie, et ce, pour la mi-octobre. Ce rapport pourrait changer bien des choses.

Une province mise à part

Les étudiants québécois sont les seuls au Canada à ne pas être rémunérés durant leur internat en psychologie. Les étudiants de dernière année travaillent près de 1600 heures bénévolement alors que leur charge de travail est semblable à celle d’un psychologue, à près de 80 %. Audrey St Laurent, doctorante en 3e année de psychologie, reconnaît qu’il est « injuste » pour les internes québécois de ne pas être rémunérés considérant que, partout ailleurs, ils le sont. La doctorante précise d’ailleurs que « ce boycott est fait aussi bien pour les internes, mais également pour les futures cohortes ». C’est dans une logique de solidarité et d’ambition future que les doctorants de l’Université Laval prennent part au boycott débuté par les internes en psychologie.

Inquiétudes et doutes

Le directeur de l’enseignement et des affaires universitaires pour le Centre Intégré Universitaire de Services Sociaux et de Santé (CIUSSS) de la Capitale-Nationale, Martin Lafleur, trouve qu’il est « triste que les étudiants mettent en péril leur formation alors qu’il semble y avoir des avancées dans les négociations avec le gouvernement ». Il précise notamment que si les étudiants décident de maintenir leur boycott sur une longue période, cela pourrait avoir des conséquences malheureuses.

« La formation à l’internat est une relève compétente pour le réseau. Malheureusement, quand nous aurons des postes qui vont ouvrir, nous aurons un bassin moins grand de personnes compétentes pour devenir un employé du CIUSSS. L’impact pour nous est peut-être là éventuellement », explique M. Lafleur, quant aux possibles conséquences face à un boycott prolongé de la part des étudiants au doctorat en psychologie. Il craint notamment le retard de la diplomation pour un bon nombres d’étudiants.

Dans un même ordre d’idées, Marc-André Roy, interne en psychologie à l’Université Laval, reconnaît qu’il puisse exister un phénomène de double cohorte si le boycott venait à perdurer. Cela signifie que l’année suivante, il y aurait trop de demandes d’internats et/ou de stages pour un nombre de places limitées au sein du réseau de la santé. Par conséquent, l’obtention du diplôme pour les étudiants se verrait retardé.

Notons que le CIUSS ne prend pas position face à l’appui qu’il donne ou non aux étudiants. Selon M. Lafleur, les discussions nécessaires se passent entre les étudiants et le gouvernement, donc au niveau provincial.

Solutions et soutiens

Audrey St-Laurent, stagiaire en 3e année au doctorat en psychologie, insiste sur le fait qu’instaurer un système de rémunération pour les internes serait une solution majeure pour pousser les étudiants à travailler dans le secteur public. Il est à noter que plusieurs étudiants sortent endettés de leurs années d’études en psychologie. Étant donné que le secteur privé offre des salaires plus compétitifs que ceux offerts dans le public, cela amène davantage les diplômés à travailler dans le privé. Pourtant, la demande de psychologues dans le secteur public ne cesse de croître. L’étudiante avoue d’ailleurs qu’il est « déplorable que ce soit aussi difficile d’avoir accès à un psychologue » dans notre société.

M. Roy, interne au doctorat en psychologie à l’Université Laval, précise avoir ressenti un important soutien de la part des citoyens, notamment sur les réseaux sociaux. Il s’est dit d’ailleurs « agréablement surpris » face aux nombreux témoignages qui ont circulé sur la toile, mais également aux appuis apportés par certaines célébrités québécoises à l’aide de pétitions. Au-delà d’un simple enjeu pour les étudiants en psychologie, il s’avère également être un enjeu de société.

Lien de la pétition : https://www.assnat.qc.ca/fr/exprimez-votre-opinion/petition/Petition-6159/index.html.

Chiffres clés du doctorat en psychologie

Depuis 2006, un diplôme de 3e cycle est obligatoire pour ceux qui souhaitent travailler à titre de psychologue.

Au Québec, les internes en psychologie sont en boycott depuis décembre 2015. Quant aux stagiaires, ils le sont depuis février 2016 en soutien envers leurs prédécesseurs.

Au Canada, la rémunération moyenne pour les internes en psychologie s’élève à 31 000 $.

Le CIUSSS accueille chaque année près de 15 internes et de 26 stagiaires.

Nombre d’étudiants concernés par le boycott

Province de Québec : 250 internes et 450 stagiaires

Ville de Québec : 30 internes et 70 stagiaires

Données transmises par la FIDEP

 

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