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L’abandon d’Énergie Est : une décision d’abord économique

Au début du mois, la compagnie TransCanada a annoncé qu’elle retirait son projet d’oléoduc Énergie Est. L’annonce a fait couler beaucoup d’encre et les interprétations de la décision ont largement été teintées par son aspect politique. Toutefois, selon Sarah Trabelsi, docteure d’économie de l’Université Paris-Dauphine, la politique est loin d’être la principale coupable. «Il y a plusieurs raisons qui ont poussé TransCanada à abandonner son projet, mais les raisons économiques ont sans doute été les plus décisives», explique-t-elle.

Mme Trabelsi est maintenant enseignante chercheure à l’Université Laval et elle se spécialise sur les questions d’économie environnementale et énergétique, les enjeux pétroliers et gaziers. Elle a donc suivi de près le dossier d’Énergie Est et la série d’évènements qui ont mené à son abandon.

Tout a déboulé très vite depuis cet été. « À la fin août, l’office national de l’Énergie (ONE) avait choisi d’inclure dans l’étude du projet une composante environnementale », relate Mme Trabelsi. L’ONE, un organisme fédéral indépendant, demandait à TransCanada des études d’impacts environnementaux en amont et en aval du projet d’oléoduc.

Selon elle, cette décision est venue peser dans les coûts et a contribué à remettre en cause la rentabilité économique d’Énergie Est. La docteure ne nie tout de même pas l’existence d’une certaine dimension politique. « Il y avait des pressions des groupes environnementaux et des premières nations qui ont aussi dû jouer dans la décision », convient-elle.

Des alternatives qui ne manquent pas

Dès septembre, Transcanada avait demandé de suspendre l’évaluation du projet pour ensuite l’abandonner complètement au début du mois d’octobre. « Il y avait tout de même plusieurs projets qui étaient proposés en même temps, il y avait des alternatives à Energie Est », précise-t-elle.

C’est le cas de Keystone XL, qui traverse les États-Unis et qui avait été annulé par le président Obama et la précédente administration américaine. « Quand il a été remis sur la table très rapidement par le président Trump, ça faisait déjà directement un important tracé alternatif d’approuver », souligne la chercheure.

Ce n’était pas le seul, il y a aussi d’autres compagnies avec leurs propres projets d’oléoduc. « Aussi dans l’est, le projet d’Embridge d’inverser une canalisation existante a lui été accepté et, dans l’Ouest canadien, Kinder Morgan a aussi eu un projet d’approuvé », ajoute Mme Trabelsi.

« Énergie Est est devenu un peu substitut », avoue-t-elle, insistant aussi sur le contexte économique défavorable vu les bas prix du baril de pétrole sur les marchés internationaux.

Dans ce contexte, les compagnies opérant au Canada hésitent à investir dans des projets d’infrastructures. « Le pétrole canadien coûte souvent plus cher à produire à cause des méthodes non conventionnelles d’extraction », souligne l’économiste, donnant en exemple le pétrole issu des sables bitumineux qui est moins rentable sur le marché international lorsque les prix sont bas.

« C’est certain que si les prix étaient plus hauts, les compagnies balanceraient plus d’investissements en infrastructure », conclut-elle.

Conséquences pour l’est

« D’un point vu économique, c’est clair qu’on passe à côté de retombés d’investissements, mais le bilan global du projet n’avait pas encore été annoncé et il est difficile à prévoir », reconnait Mme Trabelsi, soulignant les deux millions de dollars d’investissements qui étaient prévus pour le Québec.

Le prix du pétrole est déterminé par le marché mondial, mais les prix de l’essence à la pompe auraient peut-être pu descendre dans l’Est canadien, selon ce qu’explique Mme Trabelsi. « Ce n’est pas une certitude, étant donné la nature imprévisible du prix du pétrole à la base, mais les oléoducs ont le potentiel de faire diminuer l’écart entre les prix canadiens et les prix américains ». La chercheuse précise tout de même que les projets d’oléoducs proposés visent surtout à transporter le pétrole albertain dans les raffineries américaines.

« Les oléoducs sont plus favorables d’un point de vue économique pour transporter le pétrole sur un même continent », ajoute la chercheuse en comparant les différents modes de transport tel que le train. Elle explique qu’une fois complétés, les oléoducs permettent un approvisionnement plus constant pour les raffineries et le transport maritime.

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