Photo : Courtoisie Jean-Yves Fréchette

Une part de Houellebecq, une autre de Zola

L’auteur et rappeur Biz, né Sébastien Fréchette, membre du groupe Loco Locass manie la langue de main de maître. Bien que l’écriture du rap ait fait partie de sa vie pendant une bonne vingtaine d’années, c’est la prose qui aujourd’hui lui permet de s’exprimer.

La trame de son cinquième ouvrage, La chaleur des mammifères, prend place dans le milieu universitaire. Son protagoniste, René Mckay, professeur de littérature dans une université québécoise, est récemment divorcé et a très peu de contact avec son fils âgé de vingt ans.

Blasé, il répète devant des classes désintéressées des vérités d’un autre âge. Son objet de recherche, le point-virgule, est dorénavant presque inutile puisqu’il a tendance à disparaître des ouvrages de ses contemporains. Il pose son regard incisif sur la jeunesse, les femmes, l’amour et le sexe. Pour ajouter au topo peu reluisant de son existence, il s’isole de ses congénères jusqu’au jour où, la grève étudiante éclate.

Le lecteur le découvrira rapidement, Biz a beaucoup lu et ça se transpose dans son écriture. Son auteur préféré Houellebecq est celui qui a « probablement eu le plus d’influence sur moi comme être humain et comme écrivain. J’admire sa capacité à saisir l’aire du temps de son époque », confie-t-il. Est-ce que cette influence est palpable dans La chaleur des mammifères? Évidemment : « Dans tous mes romans, il y a des éléments d’explications de la société et effectivement de remises en question de la société. » poursuit-t-il.

Le printemps érable vu par un professeur

Bien que l’auteur ait participé activement à la grève de 2012, et qu’il ait lui-même descendu dans la rue pour appuyer les étudiants, c’est caméra sur l’épaule que Biz nous invite à parcourir le milieu universitaire à travers les yeux d’un professeur. Il avoue avoir choisi de présenter « la vision d’un prof, parce que c’est un milieu qu’on connaît pas, d’un point de vue romanesque. Souvent on s’intéresse à des marginaux, à des immigrés, des petites gens ».

Toujours à la recherche du mot juste, l’écrivain n’a pas ménagé ses efforts pour que le discours de son héros soit juste. René est professeur de littérature : « il donne des conseils sur comment écrire, donc il fallait au moins que je pratique ce que je prêche moi-même, ça ne pouvait pas être un livre qui soit mal écrit, paresseux dans le style » insiste-t-il. A-t-il déjà lui-même songé à enseigner? Il avoue que toute la paperasse et les corrections « l’emmerdent profondément », mais qu’il aime l’idée du transfert de connaissances et qu’il parvient à se sustenter en écrivant et en donnant des conférences.

Dans cet ouvrage, il veut faire réfléchir, mais surtout écrire le Québec. « Le printemps érable de 2012 s’est passé au Québec, donc c’est pas Michel Houellebecq qui peut en témoigner, c’est des écrivains québécois. Si les Québécois n’écrivent pas sur le Québec, personne d’autre ne va le faire. » Il ajoute qu’il veut aussi questionner « la façon dont on peut vieillir comme individu: est-ce qu’on devient cynique et on dit que les jeunes sont poches, ou on essaie de les comprendre et de se mettre à leur place ? »

Le système solaire de l’écrivain

Questionné sur son écriture, Biz mentionne que pour lui, il s’agit d’une relation de créateur à création. « C’est comme si ton univers, c’est un bécher avec une solution chimique et j’ajoute quelques gouttes d’une réaction chimique et regardes ce qui se passe. René a sa vie et comme créateur, je décide qu’il y a une grève et je le regarde agir » explique-t-il. Il pousse la comparaison plus loin et compare ses œuvres à un système solaire. Chacune d’elle est une planète et l’ensemble de ses publications est un système solaire. Cette planète-ci, La chaleur des mammifères, est donc une des œuvres du système solaire imaginé par Biz, dans lequel se retrouve notamment, Steve qui était le héros de La chute de Sparte, son roman jeunesse.

Celui qui, enfant, voulait être paléontologue, a su exploiter son amour pour les dinosaures dans cet ouvrage. En effet, il a habilement fait coïncider, à travers ses titres de chapitre, trois époques de leur évolution avec celle de René « Le triard, c’est l’époque où les dinosaures apparaissent sur Terre, donc c’est l’époque ou René se considère, lui comme un dinosaure » explique-t-il avouant du même souffle qu’il aime bien mettre des couches d’interprétations.

Pour comprendre toute cette logique, venez rencontrer et questionner l’auteur sur, notamment, le titre qu’il a choisi : La chaleur des mammifères, lors de son lancement officiel à Québec, ce mercredi 18 octobre à la Librairie Morency à Place Fleur de Lys.

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