Sophie D'Amours était présente au colloque afin de prononcer quelques mots. Photo : Département d'anthropologie de l'UL

Lancement du colloque sur l’islamophobie à l’Université Laval

Plusieurs conférences traitant d’islamophobie ont été présentées les 14 et 15 septembre sur le campus de l’Université Laval dans le cadre du colloque « Islamophobie envers les musulmanes : réalité indéniable, notion discutable » au pavillon Maurice-Pollack. De nombreux experts universitaires originaires du Québec, de l’Ontario et de l’Europe étaient en ville pour l’occasion.

Au total, ce sont dix universités, quatre pays et quatre organismes communautaires qui se sont impliqués dans le processus. Mentionnons la présence de la rectrice, Sophie D’Amours, du doyen de la Faculté des sciences sociales, François Gélineau, et du cofondateur et vice-président du Centre culturel islamique de Québec (CCIQ), Boufeldja Benabdallah.

Organisée par le Département d’anthropologie de l’UL, l’activité avait pour but de sensibiliser la communauté à l’enjeu global, mais surtout de pousser « plus loin la réflexion sur l’islamophobie visant directement les femmes », indique la direction des communications de l’institution d’enseignement.

Les discussions et les réflexions se sont attardées plus particulièrement aux procédés contemporains du vivre ensemble, dans un contexte socialement tendu à Québec, là où plusieurs citoyens musulmans affirment être visés par un racisme assez évident, surtout sur les réseaux sociaux.

C’est le professeur en anthropologie, Abdelwahed Mekki-Berrada, qui a organisé l’événement sur le campus.

Les femmes d’abord et avant tout

Les allocutions ont tourné principalement autour du dénigrement grandissant envers les femmes au Québec. L’islamophobie genrée, un concept théorisé par le professeur de sociologie à l’Université Wilfrid-Laurier et invité au colloque, Jasmin Zine, semble de plus en plus importante au quotidien, dans les cercles professionnels notamment.

« [Les femmes] attirent l’attention soutenue des médias traditionnels, des réseaux sociaux, et des débats publics et législatifs qui tendent à convertir les corps des sujets féminins musulmans en terrains de batailles politiques et idéologiques », explique Abdelwahed Mekki-Berrada en lancement d’événement.

Il ajoute que, pour la plupart des femmes touchées, cette forme de racisme mène à une difficulté d’intégration sociale pour elles. « Des citoyennes d’obédience musulmane se considèrent visées par une islamophobie parfois évidente et parfois plus subtile, mais toujours blessante, discriminante et excluante. Là où l’altérité est aussi une épreuve. »

Liberté d’expression

Le professeur et son équipe d’experts-conférenciers se sont également demandé, lors de ce colloque, si l’islamophobie genrée ne serait pas en fait une liberté d’expression camouflée ou une stratégie discursive en lien avec le racisme et la radicalisation menant à la violence.

« Sur ce dernier point, notre plume hésite encore par décence à souligner que la tragédie meurtrière survenue le 29 janvier 2017, à quelques rues de l’Université Laval où se tient ce colloque, dans la Grande mosquée de Québec, nous donne, fort malheureusement et cruellement raison », poursuit Abdelwahed Mekki-Berrada.

Derrière l’islamophobie se cache un manque flagrant de compréhension de l’autre, selon l’enseignant en anthropologie. « Encore faudrait-il mieux comprendre ce qu’il en est au juste de l’islamophobie et de l’expérience subjective qu’en font autant les citoyens et citoyennes québécois(es) musulman(es) que non-musulman(es). C’est à cette meilleure compréhension que prétend ce colloque », note-t-il.
D’hier à aujourd’hui

Selon l’organisateur, il serait quelque peu « trivial » d’affirmer que des tragédies comme le 11 septembre 2001, qui ont créé de graves tensions internationales, ont contribué à renforcer le discours de l’anti-islam.

Ces mentalités étaient déjà bien présentes « depuis la période coloniale, voire même depuis la Reconquista et bien avant », poursuit-il. Certes, ces incidents ont pu cultiver une méprise envers l’autre culture, mais ils n’ont pas non plus créé l’islamophobie à proprement parler.

Or, de nos jours, le concept de l’islamophobie semble bien compris et assimilé par presque tous les citoyens dans la société. C’est dans ce contexte favorable que les organisateurs du colloque espèrent « explorer plus en profondeur sa polysémie et interroger ses contours, sa portée et ses limites ».

« Un tel questionnement nous semble à la fois salutaire conceptuellement et nécessaire dans notre effort collectif de mieux comprendre le vivre ensemble et ses tensions inhérentes qui, si nous apprenons à mieux les gérer ensemble, se transformeront en tensions créatrices », conclut Abdelwahed Mekki-Berrada.

Celui-ci estime qu’en déconstruisant l’image de certains mythes auprès d’une frange de la population, nous pourrons mieux construire des projets de recherche-action et ainsi répondre à des besoins théoriques, méthodologiques ou même pratiques de toute la communauté d’acteurs.
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