Les véhicules intelligents ne sont plus des objets de fiction ou de rêve. Philippe Giguère, professeur du département d’informatique et de génie logiciel de l’Université Laval, prédit même que ces véhicules seront graduellement adoptés d’ici 10 ans.
« La technologie existe, on est rendu à la phase du raffinement », affirme-t-il, dans le cadre d’une conférence de vulgarisation sur le sujet, le 16 novembre dernier. L’évènement, qui était organisé par l’Institut Technologies de l’information et Sociétés (ITIS) dans le cadre d’une série de conférences appelée les rencontres du numérique, a réussi à attirer quelques curieux dans une petite salle de la bibliothèque Gabrielle-Roy.
Les technologies nécessaires pour développer des véhicules autonomes sont maintenant de plus en plus abordables et avancées. M. Giguère donne en exemple l’immense banque de données recueillie par le géant du web Google, qui s’en sert pour développer son propre système d’autos intelligentes. « En plus des cartes, Google a les données tridimensionnelles de presque tous les édifices des villes », explique le professeur.
Dans le monde de la robotique automobile, les données sont d’ailleurs devenues une ressource précieuse. « En ce moment, il est plus facile de faire une auto moins intelligente, mais qui se base sur beaucoup de données que de faire une auto plus intelligente, capable de plus d’autonomie décisionnelle », relate-t-il.
Le Québec est lui-même impliqué dans le développement de technologies utilisées dans ces autos de demain. Selon le professeur du département d’informatique et de génie logiciel de l’Université Laval, avec des sommités tel que le chercheur Yoshua Bengio, Montréal devient tranquillement incontournable dans le domaine de l’intelligence artificielle.
La ville de Québec aussi, en tire son épingle du jeu. Elle héberge notamment deux firmes, Lidartech et Phantom Intelligence, spécialisées en système de radar laser communément appelé LiDAR (Light Detection And Ranging).
Entre le robot et l’auto
Les véhicules intelligents fonctionnent en recueillant des informations sur leur environnement immédiat. Ceci leur permet ensuite de prendre une décision avant d’effectuer une quelconque action. Cette action, modifiant la situation initiale, oblige l’auto à recommencer sa cueillette d’informations en vue de sa prochaine décision. « Les véhicules autonomes peuvent faire ce cycle de décision 20 fois par seconde », révèle l’expert, par rapport à leur rapidité de calcul.
Pour se faire, ces véhicules utilisent différents types de capteurs qui fonctionnent un peu comme les différents sens que possèdent les êtres humains. Les autos intelligentes doivent ensuite fusionner ces données recueillies, ce qui leur donne finalement un portrait précis de leur environnement.
« La fusion de donnée est l’une des composantes les plus importantes en robotique, les humains en sont des experts, c’est qui nous permet d’avoir une perception extrêmement robuste de notre environnement », souligne M. Giguère.
Les véhicules autonomes sont assez compétents pour gérer des objets et des obstacles fixes. Lorsque ceux-ci sont plutôt en mouvements, parfois imprévisibles, c’est plus complexe. « Une des plus grandes difficultés des autos-robots, tout comme les humains, c’est de prévoir le mouvement des cyclistes et des piétons », avance le professeur.
L’hiver aussi semble être un défi. Le professeur titulaire à l’UL explique que les capteurs se basent encore beaucoup sur les contrastes existant par exemple entre les lignes routières et l’asphalte. Les régions dont les rues se retrouvent parfois ensevelies de neige devront sans doute attendre un peu plus longtemps l’arrivée des véhicules autonomes.
Malgré ces difficultés, dans les bonnes conditions, les autos intelligentes ont maintenant dépassé les capacités humaines. « Certains systèmes permettent de faire le suivi de 50 à 100 objets mobiles à une seule intersection, qui ici peut en faire autant? », indique-t-il.
Les avantages et les risques
L’arrivée des autos intelligentes pourrait d’ailleurs révolutionner le transport. Le conférencier croit qu’elles pourraient contribuer à diminuer le nombre de morts causé par les accidents routiers ainsi qu’à pallier à la perte de productivité causée par le temps passé à conduire et la perte d’espaces occupés par des stationnements.
S’appuyant sur des données de la firme financière Morgan Stanley, il prévoit aussi d’importants changements de mentalité. Selon lui, avec la venue des autos intelligentes, les gens seront peut-être moins portés à s’acheter un véhicule et le concept d’autopartage pourrait devenir la nouvelle norme. « Les gens pourraient louer à partir de leur téléphone les autos qui ne font que circuler toute la journée, ce serait un peu comme commander un Uber », précise-t-il.
Il admet tout de même que ces véhicules autonomes, comme toute technologie, ne sont pas à l’abri de piratage de la part d’individus mal intentionnés. Il explique qu’il est notamment possible de truquer les capteurs de ces autos. « Des gens ont fait la démonstration qu’il est possible de tromper des LiDAR pour leur faire voir des objets qui ne sont pas là », affirme le professeur.
Pour le meilleur et pour le pire, l’auto-robot deviendra sans doute de plus en plus présente sur les routes. Il reste à voir comment seront adaptées les infrastructures et législations pour accueillir la nouvelle venue.