Dans les souliers d’une étudiante chinoise

Quelque part au nord de la province du Hunan, en Chine, se trouve la ville de Yueyang. Avec 5 millions d’habitants et des gratte-ciels qui poussent comme des champignons, elle est emblématique de la croissance du pays le plus populeux du monde. Le lac Hunan (ou lac du Sud) se trouve à proximité de cette ville dite «moyenne». Ici, quand la température est favorable, les nuages de pollution et de brouillard me permettent de voir l’autre côté de ce grand cours d’eau. À travers les brumes habite une jeune étudiante au sourire aussi lumineux que le soleil. Elle se nomme Lou Zi Wu.

À l’âge de 12 ans, ses parents ont quitté la campagne (dans le village de Wu Gang) pour s’installer en ville, près de l’école secondaire de son adolescence. C’était, selon le père de Lou Zi Wu, une manière d’assurer le succès de ses trois filles. L’entrepreneur n’est pas le seul à migrer vers la ville; l’humanité assiste à la plus grande migration de son histoire, celle qui pousse des millions de Chinois à passer des rizières aux forêts de béton. Au moment d’écrire ces lignes, un individu sur deux est un citadin dans l’empire du Milieu.

Le parcours scolaire chinois semble parfois se résumer à une série d’examens tous plus stressants les uns que les autres. L’épreuve de feu de Lou Zi Wu, c’était à la fin de l’école secondaire, il y a deux ans. Des examens décisifs. De ceux à qui l’on doit des nuits blanches. De ceux qui ouvrent et ferment les portes des collèges, et tant pis pour les nez cassés. Lou Zi Wu s’en est bien tirée; elle terminera bientôt sa première année en comptabilité. À la fin de son collège, elle devra passer de nouveaux tests, que ce soit pour tenter d’entrer dans la fonction publique ou pour se tailler une place dans une université réputée. Face à une compétition parfois féroce sur le marché du travail en Chine, les diplômes des meilleures universités représentent des atouts précieux, sinon la garantie d’un bon emploi.

Comme sa famille n’habite pas à Yueyang, Lou Zi Wu doit s’entasser avec ses collègues dans une des chambres pour huit personnes d’un dortoir unisexe, « là où la main de l’homme n’a [presque] jamais mis le pied». Chaque soir, la jeune femme de 19 ans rêve dans la couchette du haut de son lit superposé. Elle aurait bien pris l’un des lits d’en bas, mais ils étaient tous pris à son arrivée tardive au collège, en octobre dernier.

À Yueyang, les nuits sont loin d’être longues (pas comme à Winnipeg; désolé, Joe Dassin). L’horaire est militaire. La journée typique de Lou Zi Wu va comme suit; le réveille-matin sonne à 6 heures (parfois avant). Après la toilette matinale, elle marche en direction de la salle de classe où elle a le loisir d’étudier librement pendant trente minutes. Comme les résidences ne disposent pas de cuisines communes, les étudiants mangent à la cafétéria du campus. À 8h, Lou Zi Wu retourne en classe, où elle passera la journée entre les pages de ses livres et les paroles des laoshi (professeurs), dans des cours d’économie, d’informatique, d’anglais et j’en passe.

Au moins, elle n’a pas à travailler pendant ses études; ses parents s’occupent des frais de scolarité et des dépenses de leurs trois filles.

Mais quand tu auras fini ton collège, Lou Zi Wu, qu’est-ce que tu feras? Comme pour certains étudiants de l’université Laval, rien ne lui assure que son diplôme lui permettra de dénicher un emploi. C’est du moins ce que le professeur d’économie a déclaré. Ce que Lou Zi Wu veut, c’est de se servir de ses compétences en comptabilité pour démarrer une petite entreprise. Ainsi, elle pourrait avoir du temps pour vivre, pratiquer certains loisirs…

Et l’amour dans tout ça? Il semble que son prince charmant n’a pas encore cueilli son regard…

De Québec à Beijing, en passant par Yueyang, ne voulons-nous tous pas la même chose; vivre heureux et ne manquer de rien?

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