L’UL face au compresseur

Bien que les budgets officiels des différents départements de l’Université soient toujours en phase d’élaboration, les associations étudiantes ainsi que la Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (FNEEQ-CSN) témoignent de leurs inquiétudes pour le maintien de la qualité et de l’offre des cours et des services aux étudiants.

Frédéric Chrétien, en collaboration avec Margaud Castadère-Ayçoberry

Selon le président le l’ÆLIÉS, Christian Djoko, et Sylvain Marois, chargé de cours à l’Université Laval et vice-président au regroupement des universités de la FNEEQ-CSN, « l’indépendance », « la qualité des services » ainsi que « la mission » des universités seraient en danger depuis les récentes compressions budgétaires imposées par le gouvernement.

Face aux récurrentes annonces de compressions budgétaires dans le domaine de l’enseignement supérieur, le président de l’ÆLIÉS s’inquiète. « Même si l’administration nous assure que la qualité ne sera pas touchée, il y a cependant de bonnes raisons de penser que les montants coupés soient trop importants pour que les étudiants n’en ressentent pas les effets, dans l’enseignement qui leur est prodigué et les services qui leur sont offerts », déclare Christian Djoko.

Des retombées inquiétantes, mais encore méconnues

Selon les informations rapportées par Le Devoir le 28 janvier dernier, 1,5 million de dollars aurait été soustrait du budget du département des langues, linguistique et traduction de l’Université Laval, pour une perte totale réelle de 20 cours ou sections de cours. L’abolition du programme d’ethnologie dès la session d’automne 2015 soulève aussi certaines inquiétudes.

À la suite de discussions avec l’administration de l’Université Laval, le président de l’ÆLIÉS précise que, « concernant l’enseignement, ce sont surtout les cours optionnels qui vont être affectés par la “tronçonneuse budgétaire”. […] Le mot d’ordre adressé aux facultés serait de ne surtout pas toucher aux cours obligatoires et de veiller à ne pas retarder la diplomation des étudiantes et étudiants. »

La totalité des retombées réelles de l’ensemble des retranchements budgétaires des différents départements sera connue dans quelques semaines, lorsqu’ils auront déposé leur budget définitif.

Du côté de la CADEUL, on se dit « très préoccupé par le climat d’austérité en vigueur actuellement au Québec, notamment en ce qui a trait aux compressions dans le milieu de l’enseignement postsecondaire ». Les associations membres de la CADEUL ont d’ailleurs adopté un plan d’action contre l’austérité lors du dernier caucus, vendredi 30 janvier. Son contenu exact n’est toutefois pas encore connu.

Un financement qui fait débat

Questionné sur les convictions que défendaient les recteurs en 2012 et celles de 2015, Christian Djoko commente : « De prime abord, cela paraît extrêmement contradictoire que leur réflexe soit d’adapter leur budget pour l’équilibrer plutôt que de s’acharner à démontrer qu’il est déjà insuffisant. Lors de l’Assemblée générale annuelle de l’Université, le recteur avait dit qu’il travaillait de concert avec les autres recteurs, en dehors des projecteurs, à faire entendre aux décideurs politiques, les conséquences de ces compressions sur le milieu universitaire. » En 2012, les recteurs défendaient une hausse du financement des universités, aujourd’hui, c’est une baisse du financement que fait actuellement subir le gouvernement aux universités du Québec.

La Direction des communications de l’Université Laval n’a pas souhaité commenter, mais a tout de même ajouté que « l’Université poursuit son travail afin d’atteindre l’équilibre budgétaire et maintenir la qualité de l’enseignement pour tous les étudiants. »

Concernant le financement des universités, la CADEUL « continue de recueillir des appuis pour son projet de Fonds des services de santé et d’éducation postsecondaire (FSSEP) et poursuit le travail de représentation politique afin que cette solution soit mise en place le plus rapidement possible ». Selon l’association de premier cycle, le FSSEP permettrait « de refinancer adéquatement notre réseau d’enseignement postsecondaire en plus de permettre une mise à niveau de l’aide financière aux études afin de répondre aux besoins réels des étudiants d’aujourd’hui ».

Sylvain Marois refuse quant à lui de parler de « mauvaise foi » des administrations universitaires. Il préfère aborder l’aspect des priorités de celles-ci évoquant alors la rémunération du personnel de gérance des universités. Le représentant FNEEQ s’appuie sur une étude de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU), intitulée « Le financement des fonds de fonctionnement universitaire au Québec ». Ce document prouve que la masse salariale du personnel de gérance, provenant des fonds de fonctionnement de l’ensemble des universités, aurait augmenté de 298,1 % dans la période de 1997-98 à 2008-09.

Relativiser les annonces

Anne-Marie Gingras, professeure au département de science politique de l’UQAM, apaise le débat dans une tribune publiée dans Le Devoir, lundi 2 février. Selon elle, « abolir un cours à l’université est un processus routinier ». « À l’université, on abolit des cours, ou on en modifie et on en crée. L’université se renouvelle, les programmes sont évalués, réajustés, peaufinés et améliorés », écrit-elle.

La professeure s’élève aussi contre les annonces et réactions faites par la FNEEQ-CSN la semaine passée qui, selon elle, font « l’impasse sur les cours créés et ne [disent] mot des cours qui sont des doublons ». « L’exercice auquel s’est livrée la FNEEQ-CSN plombe le débat public plus qu’il ne l’éclaire », sévit-elle.

Dans les pas de 2012 ?

On apprend également dans Le Devoir du 31 janvier que «le scénario d’une grève générale à compter du 21 mars» est très envisageable. C’est du moins ce qu’affirment certains représentants de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ). Le pas a d’ailleurs déjà été entamé puisque les militants ont été appelés à une manifestation nationale dans les rues de Montréal le 2 avril prochain.

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