Photo: Courtoisie, Ludovic Dufour

Manifestation contre le troisième lien : l’opposition se mobilise

Le 10 novembre dernier, à Québec, c’est plus de 1 200 manifestant(e)s qui se sont mobilisé(e)s lors de la manifestation contre le troisième lien, confirme la Coalition régionale des associations étudiantes de la Capitale-Nationale (CRACN) qui organisaient l’évènement.

Malgré les précipitations, étudiant(e)s, familles et aînés ont pris part à cette marche avec le sourire. «Non nous ne baisserons pas les bras devant notre avenir !», ont déclaré les organisateurs devant la foule.

Différentes personnalités ont pris la parole durant le rassemblement. Parmi eux, le directeur général d’accès transports viables, Étienne Grandmont, et la chargée de projet en mobilisation pour Équiterre, Marie-Ève Leclerc, se sont adressé(e)s à la foule.

Le député de Québec solidaire dans Jean-Lesage, Sol Zanetti, lui, a débuté son discours en rappelant la manifestation pro-troisième lien de juin dernier qui n’avait mobilisé qu’une cinquantaine de personnes, dont des membres du groupe Storm Alliance. « Là, vous êtes trop nombreux pour que je vous compte », dit-il. « Je pense que ça montre elle est où la véritable mobilisation populaire à Québec sur ce sujet-là». Il en a aussi profité pour dénoncer le manque d’attention face aux discours des scientifiques qui doutent de l’utilité d’un troisième lien.

Étienne Grandmont a pour sa part souligné le coût d’un tel projet pour les futures générations.  « Je ne comprends pas et puis m’indigne de voir que ce gouvernement fasse la sourde oreille à la science, sacrifie les terres agricoles, endette les générations à venir, affecte la qualité de vie pour un projet qui va coûter des milliards et qui ne réglera aucun problème», s’offusque-t-il.

De son côté, Marie-Ève Leclerc a félicité les participants et a mentionné les quelque dix autres marches pro-environnement qui se déroulaient à travers la province. «L’ère des routes, des autoroutes, des énergies fossiles est révolue», dit-elle. Elle a aussi dit que la transition écologique passe par l’effort de chacun, les citoyens, les gouvernements et les entreprises.

À la suite des discours, la marche festive et familiale s’est déroulée sans embûche. La foule a pris la rue d’assaut en chantant quelques slogans tels qu’«on marche, on ne prend pas le pont !». Alors qu’un autobus croisait le chemin de la marche, les manifestants ont tous applaudi les utilisateurs du réseau de transport public.

Plusieurs participants se sont prêtés à des danses improvisées, peut-être une tentative de se réchauffer par ce climat froid.

Les organisateurs étaient bien heureux d’avoir attiré autant de participants et d’avoir réussi à sensibiliser la population aux répercussions négatives du projet. La CRACN a qualifié l’évènement de «franc succès» dans un communiqué. Les efforts de la Coalition ne s’arrêtent cependant pas là, le groupe poursuit son objectif par la diffusion d’entrevue d’expert(e)s sur le groupe Facebook Mobilisation contre le troisième lien.

Un projet à contre-courant

« Si on continue à construire des autoroutes, à élargir et à construire des troisièmes liens comme ça, on va poursuivre l’étalement urbain qui est présent depuis les années 60», avertit la professeure titulaire à l’Université Laval et experte en transport urbain, Marie-Hélène Vandersmissen. «On va augmenter le coût collectif, et les coûts environnementaux aussi », ajoute-t-elle. Selon la chercheuse, les politiciens n’ont pas suffisamment considéré les autres cas où on a augmenté le service d’autoroute. À cause de l’étalement urbain et de la demande induite, le troisième lien n’apportera que des avantages à court terme. «Ça va peut-être soulager la congestion, deux, trois, quatre ans si on est chanceux», prédit la chercheuse. «C’est ce qui s’est passé partout, partout, partout, alors il n’y a aucune raison pour qu’à Québec ça ne se passe pas de la même façon.»

Photo: Courtoisie, Ludovic Dufour

La professeure attribut l’enthousiasme des municipalités pour les autoroutes à deux choses, le mode de financement du transport en commun et les taxes municipales. D’abord, le transport en commun est financé par les municipalités en majeure partie, alors que les autoroutes, elles, sont financées par le provincial et le fédéral. Il est donc beaucoup plus simple pour les municipalités d’encourager une solution qui passe par cette voie. Ensuite, le financement des municipalités se fait principalement par les taxes municipales. L’étalement urbain étant un effet secondaire direct du développement routier, les municipalités espèrent augmenter leur revenu en attirant des résidents. «Il y a un deux poids deux mesures ici, qui favorisent en partant, qui a toujours favorisé dans les dernières années, et qui continue de le faire, la construction d’autoroute au détriment du transport en commun», explique-t-elle. Elle précise que le gouvernement de François Legault a promis de s’attaquer à ce problème.

Elle dénonce aussi le manque d’attention portée aux experts, leurs recherches étant reléguées au rang d’opinions subjectives. «C’est un peu désolant et même un peu exaspérant», se désole-t-elle, «on n’est pas écouté, on n’est pas pris en considération». Elle rappelle que les études faites par des experts du transport et de l’urbanisme ne sont pas des «questions de croyance», mais plutôt des études basées sur des faits concrets et solides qui pointent toutes dans la même direction. «On est plus dans le discours raisonnable», constate-t-elle. «C’est comme parler à un enfant qui n’a pas atteint l’âge de la raison».

Elle ajoute cependant que les récents efforts des étudiants des cégeps pour informer la population sur l’enjeu sont encourageants. «Je comprends les jeunes de s’inquiéter, parce qu’effectivement je dirais que c’est inquiétant».

Voici un reportage réalisé par notre directrice vidéo, Léa Martin : 

La position de L’AELIÉS

Une délégation de L’AELIÉS a manifesté dans les rues de Québec samedi. Lors de sa dernière assemblée générale, le 17 octobre, l’AELIÉS s’est officiellement opposé au projet de troisième lien. L’association étudiante a donc invité ses membres à venir fabriquer leurs pancartes, en groupe, le vendredi au Fou Aeliés en prévision de la manifestation qui allait avoir lieu le lendemain.

Quelques étudiantes et étudiants se sont installés au bar échangeant des idées de slogans et de dessins originaux pour afficher leur opinion dans une ambiance décontractée. Les slogans étaient évidemment orientés sur le thème du troisième lien, mais aussi sur l’environnement, les scientifiques et les «radio-poubelles»

Le lendemain, au cœur de la foule se trouvait la petite délégation de l’AELIÉS qui affichait fièrement ses couleurs pour représenter l’engagement de ses membres.

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