La peur des uns fait le bonheur des autres

Les barreaux de métal sont plantés dans la roche pour former une échelle irrégulière. Vous jetez un regard plongeant sur une falaise de plusieurs centaines de mètres. Votre harnais, la passerelle, les chaînes clouées à la falaise, vos mains et vos prières deviennent vos meilleurs alliés. Bienvenue sur le chemin le plus dangereux des monts Hua, en Chine. Et des étudiants de l’université Laval y sont partis à l’aventure le 15 juin dernier.

Les monts Hua se situent à environ une heure de route de Xi’an, dans la province du Shaanxi (Allez voir sur une carte, si vous l’osez). Les pics nord, sud, est et ouest hérissent ce massif rocheux. Haut de 2160 mètres, le pic sud attire les amateurs de sensations fortes de partout sur la planète. C’est sur cette section des monts Hua que se trouve «Plank Road» (littéralement la route des madriers). Autrefois, des moines escaladaient les sommets de la plus occidentale des 5 montagnes taoïstes de Chine. Ces habiles grimpeurs vivaient dans des grottes au sommet des monts Hua, où ils priaient. Certains y cherchaient l’immortalité…

La peur  de tomber vous fait oublier l’immortalité assez rapidement. La pensée d’un corps tourbillonnant vers la mort passe furtivement à travers l’esprit de bien des touristes d’un jour qui s’aventurent le long de ces sentiers. Depuis quelques années, les visiteurs peuvent louer des harnais munis de sangles qui passent sous les aisselles. La location est optionnelle, mais bon, une vie vaut fort probablement plus que 6 dollars canadiens.

Oubliez votre dernière visite à Arbre en arbre, il n’y a pas de formation sur la façon d’utiliser vos harnais. Les touristes descendent et montent par la même échelle et s’entrecroisent sur les mêmes passerelles, ce qui donne lieu à d’intéressantes contorsions. À mi-chemin, un photographe professionnel a installé son petit bureau de travail dans une ouverture d’à peine un mètre carré qui donne sur la falaise. Le rêve, quoi!

À la fin et au début du sentier, on peut encore sentir la présence de moines taoïstes. C’est d’ailleurs ce qui fascine le plus Laurent Le Serres Bérard, étudiant en anthropologie à l’université Laval. Il explique que «même si aujourd’hui, il y a encore beaucoup de touristes, on garde en partie l’esprit sacré du lieu. Il y a encore quelques prêtres taoïstes qui semblent rester sur place et qui vivent des dons que les gens leur donnent».

Ici, les touristes pullulent. Ceux qui venaient ici pour méditer sur le sens profond de la vie dans le silence seront donc amèrement déçus. Voilà pourquoi je me demande bien comment la poignée de moines habitant aujourd’hui sur la montagne font pour prier dans ce brouhaha. Au moins, bien peu de Chinois(e)s semblent se faire prier au moment des dons aux ermites taoïstes, au moment où la modernité joue du coude avec la tradition. Comme Laurent le remarque, « […] il y a des touristes chinois qui avaient l’air modernes et non-croyants qui prennent le temps de s’arrêter, de faire une révérence et de donner un peu d’argent».

Tous les étudiants de l’université Laval sont revenus sains et saufs de cette expédition en montagne, ne rapportant avec qu’eux que plusieurs photos saisissantes et… leurs jambes endolories par l’ascension de quelques milliers de marches.

 

 

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