Photo : Barbotin Elia

La réforme du mode de scrutin qui se fait attendre

Avec Justin Trudeau en 2015 ou avec René Lévesque en 1976, la réforme du mode de scrutin est l’une de ces promesses électorales sempiternelles qui n’a jamais été portées à terme. L’ancien ministre responsable de la réforme électorale et parlementaire sous le gouvernement Landry, Jean-Pierre Charbonneau, était à l’UL cette semaine pour en parler.

Maintenant impliqué dans le Mouvement démocratie nouvelle (MDN), l’ex-politicien était invité par l’association d’Option nationale de l’Université Laval et le comité MDN de la Capitale-Nationale, afin de discuter et faire la promotion de la réforme électorale au Québec.

«Il faut mousser le projet pour qu’il devienne incontournable», a-t-il affirmé, le 20 septembre dernier, devant un auditoire captivé d’un peu plus d’une trentaine de personnes.

L’un des organisateurs de la conférence, Gabriel Laurence-Brook, cachait mal sa surprise et sa joie de voir autant de gens rassemblés dans le local du pavillon Louis-Jacques Casault. Il profite de l’occasion pour lancer un appel à la prise d’actions. « Les étudiants et les associations peuvent effectivement se mobiliser autour cet enjeu-là et promouvoir la réforme », affirme-t-il.

Les progrès du présent

M. Charbonneau insiste sur le fait que la réforme ne peut être portée que par un quelconque type de mode de scrutin. « Au lieu d’essayer de trouver d’emblée le système parfait, il faut discuter des principes de base pour déterminer le système le plus approprié », souligne-t-il.

C’est avec cette proposition que le MDN a réussi son tour de force en décembre 2016. Le mouvement a fait en sorte que les cinq partis d’opposition provinciale signent une entente basée sur six principes guidant la réforme démocratique. « C’est la première fois depuis 1902 qu’autant de partis s’entendent sur un même modèle », se réjouit M. Charbonneau de manière plutôt prudente.

L’ancien politicien est tout de même conscient que tout n’est pas encore gagné, puisqu’aucun de ces partis n’a encore pris d’engagement électoral officiel sur la question. « Il faut interpeler les chefs pour que ça devienne un enjeu dans les prochaines élections », poursuit-il.

Les ratées du passé

L’histoire récente a démontré que, malgré le fait que des engagements clairs ont été pris, les plans de réformes électorales n’ont jamais vraiment abouti. En prenant la décision d’abandonner le projet, le gouvernement libéral de Justin Trudeau est le dernier à en avoir fait la preuve en décembre 2016. « Au fédéral, il n’y avait pas de consensus entre les partis, explique l’ex-ministre. Chacun poussait pour un mode différent. »

« Le gouvernement Trudeau n’a pas voulu prendre le temps d’asseoir tout le monde à la même table pour s’entendre sur des principes avant de pousser pour un mode en particulier », soutient-il.

Selon lui, le Québec est passé beaucoup plus proche de réaliser le projet dans les années 2000. Le gouvernement libéral de Jean Charest s’était rendu à l’avant-projet de loi ; une commission parlementaire spéciale s’était penchée sur la question, ce qui avait poussé le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques de l’époque, Benoît Pelletier, à former un comité de citoyens pour le conseiller.

Une certaine opposition avait cependant commencé à se former. « Les maires et préfets ont eu peur que la réforme vienne enlever une partie du pouvoir aux régions », résume M. Charbonneau.

Or, cet argument a, selon lui, peu de valeur. « Est-ce que c’est vraiment mieux quand vous avez des intérêts à défendre et que vous avez seulement des députés de l’opposition dans la région », pose-t-il. Il croit qu’un scrutin plus proportionnel permettrait aux régions d’être mieux représentées par une pluralité de députés de différents partis.

« Le ministre Pelletier n’a rien fait pour défendre son projet », ajoute-t-il. Après avoir commandé une étude du Directeur général des élections du Québec (DGEQ), les libéraux perdent l’intérêt et privilégient plutôt l’obtention d’un mandat majoritaire.

Plus de proportions, moins de distorsions

Les travaux réalisés par le MDN ont mené à la proposition d’un mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire. Le système fonctionne avec deux votes distincts. Chaque citoyen est invité à voter pour un député de sa région et pour un parti politique, ce qui servira à établir les députés compensatoires en permettant d’atténuer les distorsions.

Des distorsions qui sont parfois flagrantes dans le scrutin majoritaire uninominal à un tour actuel, selon M. Charbonneau. Il donne en exemple les résultats des élections de 1998, au cours desquelles le Parti québécois avait obtenu une majorité de 76 sièges. Malgré tout, le parti avait touché 43% des voix, alors que le Parti libéral du Québec ,qui avait obtenu 44% de voix, n’a pu obtenir que 48 sièges.

Les six principes mis de l’avant par le MDN:

  1. Refléter le mieux possible le vote populaire
  2. Assurer un lien significatif entre les électrices-électeurs et les élues-élus viser une représentation équitable des régions
  3. Favoriser la stabilité du gouvernement par des mesures encadrant les motions de censure
  4. Offrir un système accessible dans sa compréhension et son exercice
  5. Contribuer à une meilleure représentation des femmes
  6. Contribuer à une meilleure représentation des communautés ethnoculturelles
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