Portrait : Frédérique Beauchamp, dribbler avec l’excellence

Le 15 octobre dernier, le Réseau du sport étudiant du Québec (RSEQ) annonçait, à contrecœur, l’arrêt de toutes ses activités universitaires. Cette nouvelle touche l’étendue des disciplines sportives alors qu’un retour à la « normale » serait visé pour la mi-janvier 2021.

Comme plusieurs secteurs fortement touchés par la pandémie, le RSEQ ne perd pas espoir, mentionnant que les membres de la commission sectorielle universitaire se réunissent lorsque des directives de la Santé publique sont émises.

Suite à cette paralysie du monde sportif, notre équipe s’est intéressée à l’enjeu de la pandémie sur la vie étudiante des athlètes-étudiant.es de l’UL.

Impact Campus a eu l’opportunité de s’entretenir avec Frédérique Beauchamp, joueuse prolifique du Rouge et Or basketball et étudiante en médecine.

Frédérique a dernièrement accroché ses chaussures, ficelant un parcours sportif parsemé de louanges.

Frédérique Beauchamp : Photo – Yan Doublet

G: 2020 fut/est encore une année rocambolesque pour un paquet de gens, pour ne pas dire tout le monde… et principalement pour toi.

Il y a quelques semaines, tu as remporté un prix au Gala de l’athlète pour ta capacité, disons-le, assez phénoménale à concilier sports et études.

Félicitations pour ça d’ailleurs.

F: Merci pour ça, c’est gentil!

G: Maintenant que ton parcours sportif prend fin, un parcours qui, sur papier, est assez exceptionnel. Est-ce que tu es personnellement fière de ton cheminement? As-tu des regrets?

F : Pour être honnête, je suis vraiment fière. En fait, je suis fière d’avoir su concilier les études et le sport tout au long de ma carrière. Quand j’étais jeune, j’avais comme objectif de jouer universitaire et je l’ai fait. Donc, je pense que oui. Je suis contente de mes accomplissements. Et non, je n’ai pas vraiment de regrets, en fait je n’aime pas ça les regrets.

G: Tant mieux, je pense que je ne connais personne qui aime les regrets. Est-ce que tu as eu le temps de faire un bilan de ta « vie de basket » ? Comme ta décision est fraîche. Ça fait à peine à quelques jours.

F: Ouais. De mettre fin à ma carrière, c’est une décision que j’ai prise récemment. Mais, puisque l’année dernière j’ai terminé mes cours théoriques (en début septembre), ça signifiait aussi la fin du basket. À priori, mon cheminement mental était déjà entamé. Par contre, dans mon optique de ne justement « pas avoir de regrets », je me suis dit « essayons-le », je vais essayer de joindre les deux bouts une autre année. Mais là, la situation du COVID a un peu bouleversé mes plans, disons.

G: Est-ce que tu avais peur du FOMO, le fameux « fear of missing out »? Est-ce que tu voulais absolument ne rien manquer de ta dernière année?

F : Ouais! En effet, c’était ça le but. Surtout qu’au niveau basket, c’était probablement ma saison préférée et j’ai réussi à finir sur une belle note. D’ailleurs, ça me rassure d’avoir terminé sur une belle note, au moins!

G : Écoute, je suis content pour toi! Je me demandais, c’était quoi ton premier réflexe lorsque la terre a, littéralement, arrêté de tourner en mars dernier? Est-ce que tu as vécu certaines remises en questions ? Comment te sentais-tu?

F : C’était un peu drôle en fait. Dans ma faculté, on était en grosse période d’examens et du jour au lendemain, plus aucune nouvelle. On se demandait si les examens étaient reportés. On attendait. Je te dirais que comme à l’habitude, j’étais vraiment dans ma zone, j’essayais d’appréhender ce qui s’en venait. Surtout, je tentais de ne pas laisser déconcentrer par ce qui se passait autour de moi. Par contre, à la fin de la session d’hiver, c’est là que je me suis arrêtée, pour oui réaliser l’ampleur de la situation. Pour moi et pour tout le monde en fait, c’était effrayant. 

G : Tout à fait! Justement, je me demandais : à quoi ressemblait l’encadrement psychologique du Rouge et Or à ce moment-là ? Est-ce qu’un programme d’aide était à votre disposition?

F: Nous, dans notre équipe du moins, on était constamment en communication avec nos coachs. Faut dire que nous étions chanceuses, notre championnat national s’est terminé une semaine avant le début du confinement. Donc, on a eu une pause forcée qu’on aurait obtenue de toute façon. Mais ouais, je n’ai rien à dire sur le suivi des entraineurs. On était bien encadrée. On a continué à s’entrainer individuellement et on avait des meetings sur Zoom évidemment pour s’assurer que toutes les filles allaient bien. 

G: Comme tu le sais, le RSEQ a annoncé le gel des activités jusqu’à la mi-janvier, est-ce que cette nouvelle-là a « facilité » la décision de te retirer?

F: Je comprends ce que tu veux dire. Et ouais, c’est certain! Comme c’était déjà compliqué en début d’année, surtout avec mes stages, je me sentais un peu prise dans mon désir de continuer le basket. En même temps, je comprenais que ce n’était pas vraiment réaliste et cohérent de travailler à l’hôpital en journée pour finir ma soirée au terrain à pratiquer avec l’équipe. Donc, avec la pandémie, je me mettais à risque, mais aussi mes coéquipières, mes patients et mes collègues. Je n’étais pas vraiment à l’aise et j’en ai discuté avec mon entraineur. Comme de fait, on a convenu que c’était préférable que je m’entraine en solo avant même qu’on passe en zone rouge. Avec l’annonce du RSEQ, je ne crois pas qu’on aurait de saison, de toute façon. Peut-être quelques matchs hors-concours. Malgré tout, ce n’est pas ce que je souhaite aux filles. Donc ouais, l’annonce a simplement « réaffirmé » ma décision même si c’était certain que j’y jouais ma dernière année. 

G : « Au moins ! ». Est-ce que le basketball professionnel était envisageable pour toi? Est-ce que tu y as songé?

F: Non, pas du tout! Hahahaha. Sérieusement, je n’ai jamais eu cet objectif-là, de vivre du basket. Depuis longtemps, mon rêve c’est de devenir médecin. Oui, le basket est une passion pour moi, mais je n’ai jamais eu l’intention d’en vivre. 

Frédérique Beauchamp : Photo – Marc-André Turgeon

G :  Donc, tu l’as toujours fait de façon « récréative », même si tu jouais à un niveau élevé. 

F : Ouais, c’est un peu ça! Le basket m’apportait beaucoup. Il m’a fait grandir sur plusieurs d’aspects de ma vie. Ça me servait au quotidien, disons, mais je n’ai jamais envisagé d’en faire ma profession. 

G : Est-ce que le basket était une sorte d’échappatoire pour toi, alors que tes études étaient prenantes? Tu avais besoin de ventiler, j’imagine. 

F : Ouais, totalement! Ça me permettait vraiment d’avoir un équilibre de vie. Je te dirais que j’ai constaté le bien que ça procurait dès ma première session à l’université. C’était vraiment intense au niveau des études et ça me forçait à faire autre chose. J’étais beaucoup stressée, parce qu’après tout, une charge d’étude comme ça c’est presque malsain.

G : D’ailleurs, tes résultats académiques sont assez impressionnants et ton dévouement pour le basket l’est tout autant. Je regardais des capsules vidéo où tes entraineurs te lançaient des fleurs, mentionnant ta volonté et ton éthique.

Est-ce que Frédérique Beauchamp dort la nuit? 

F: HAHA! Étonnement, oui. Pour moi, le sommeil est vraiment important. J’ai besoin de dormir 8 heures sinon je ne fonctionne pas comme je le voudrais. Donc, ouais! Ça me prend de bonnes nuits comme on dit. 

G : J’ai une question un peu naïve pour toi, mais je te la pose quand même. Est-ce qu’un Laurent Duvernay-Tardif de ce monde est un modèle pour toi? Vous avez un parcours assez similaire, du moins jusqu’aux portes du niveau professionnel. 

F : C’est certain! J’ai toujours admiré les étudiant.es-athlètes de haut niveau et je suis chanceuse de l’avoir fait pendant toutes ces années. 

G : Est-ce que le basket a toujours fait partie de ta vie? Avais-tu des idées d’arrêter même avant 2020 ?. 

F : Depuis longtemps, mais non, je n’ai jamais eu l’intention d’arrêter avant. Dans ma tête, ça allait de soi. Je finissais mes études et j’arrêtais le basket. Je n’avais pas vu le basket comme un obstacle. J’ai toujours su et cru que j’arriverais à joindre les deux bouts. Le seul moment difficile, comme j’ai mentionné un peu plus tôt, c’était de concilier le basket et les stages que j’avais en milieu hospitalier. C’est là que j’ai eu peur que ce soit trop dur, j’avais peur d’être trop fatiguée et de manquer d’énergie. Par-dessus tout, je craignais de ne pas pouvoir m’impliquer autant que je le voulais, dans l’un ou l’autre. 

G : Je comprends. En tout cas, bravo pour tout! Je vais te laisser là-dessus, en te souhaitant la meilleure des chances dans ta carrière.

L’entrevue radiophonique réalisée le 2 novembre est disponible en version podcast juste ici : http://chyz.ca/amalgab

À noter que d’autres portraits suivront!

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