Crédit photo : Dado Ruvic, Archives Reuters

Troisième dose : Québec change son fusil d’épaule

Les personnes ayant contracté la COVID-19 devront à nouveau attendre un délai minimal de huit semaines avant de pouvoir obtenir leur troisième dose de vaccin. Cette nouvelle recommandation de la Santé publique constitue une volte-face majeure, alors que les personnes déclarées rétablies de la COVID étaient, jusqu’à maintenant, fortement incitées à obtenir une troisième dose dès la fin de leurs symptômes.

Par voie de communiqué, le Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) recommande toujours à la population québécoise l’obtention d’une dose de rappel, mais réinstaure un délai minimal de huit semaines « pour les personnes qui ont reçu un test PCR positif tout comme pour celles qui ont obtenu un résultat positif à un test rapide à la maison avec des symptômes importants. Cependant, les personnes qui doutent d’avoir fait la maladie ou qui n’ont pas été en mesure de le confirmer par test PCR peuvent aller chercher leur dose de rappel le plus rapidement possible. »

Rappelons que ce délai de huit semaines, qui avait toujours été recommandé par le Comité d’immunisation du Québec (CIQ), avait été brièvement abandonné par Québec à la mi-janvier, pour des raisons de nature logistique. Québec souhaite en effet, à terme, rendre le statut « adéquatement protégé » du passeport vaccinal conditionnel à l’obtention de trois doses de vaccin anti-COVID-19, alors que deux doses sont aujourd’hui nécessaires. Or, en raison de l’explosion de nouveaux cas entraînée par l’émergence du variant Omicron, de même que par l’accès limité aux tests rapides, il est désormais impossible pour la Santé publique de retracer l’ensemble de ces nouvelles contaminations, d’où l’exigence de vaccination pour les personnes ayant déjà contracté la COVID-19.

Une troisième dose « peu utile » pour les personnes récemment rétablies

C’est la publication d’un nouvel avis par le CIQ qui a entraîné cette volte-face de Québec. Dans un document de 15 pages publié sur le site Web de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), il est en effet expliqué, via plusieurs études récentes, qu’une infection par le SRAS-CoV-2 produit une réponse immunitaire qui « semble être plus large et plus robuste que la protection conférée par la vaccination après 2 doses de vaccin contre la COVID-19. » En effet, une étude publiée en Israël montrerait que la réponse immunitaire produite par l’infection perdurerait davantage dans le temps que celle engendrée par l’inoculation de deux doses de vaccin. De plus, les anticorps engendrés à la suite d’une infection ciblent une portion plus large du virus, alors que ceux produits par la vaccination sont concentrés sur la protéine spiculaire, qui a fortement muté depuis l’émergence du variant Omicron. Il a également été observé que l’inoculation d’une dose de vaccin aux personnes préalablement infectées stimulerait considérablement leur protection immunitaire, à un niveau similaire à celle obtenue par les personnes doublement vaccinées et non infectées. Cependant, les avis divergent sur l’efficacité réelle de l’administration d’une deuxième dose de vaccin chez ces dernières : plusieurs études montrent que l’avantage immunitaire serait plutôt mitigé.

Plusieurs études ont montré que les personnes ayant reçu deux doses de vaccin ou ayant déjà contracté un autre variant du SRAS-CoV-2 (Alpha, Bêta, Gamma ou Delta) étaient beaucoup moins protégées d’une infection due au variant Omicron. Cependant, une étude réalisée en Écosse a montré que les personnes ayant reçu trois doses de vaccin et celles déjà infectées par un autre variant et ayant reçu deux doses bénéficiaient d’une protection meilleure face au variant Omicron, s’élevant de 53 à 65 %.

Les études ne permettent pas pour le moment d’évaluer la protection donnée par la réponse immunitaire engendrée à la suite d’une infection par le variant Omicron. Cependant, des études sérologiques ont montré que les personnes vaccinées ayant contracté ce nouveau variant présentaient dans leur sang des niveaux d’anticorps neutralisants très élevés, répondant aussi bien au variant Omicron qu’au variant Delta. Par ailleurs, ces études montrent aussi une stimulation de l’immunité cellulaire (c’est-à-dire, due aux lymphocytes B et T) chez les personnes vaccinées infectées par Omicron. Les expert.e.s du CIQ estiment dans leur avis scientifique que « [ces] observations suggèrent qu’une infection par le variant Omicron survenant chez des personnes déjà vaccinées avec 2 doses et a fortiori 3 doses devrait procurer un haut degré de protection contre l’ensemble des variant [sic] connus à ce jour. »

Au regard de ces précédentes observations, le CIQ considère donc que les personnes adéquatement vaccinées ayant contracté le variant Omicron bénéficieraient pour le moment d’une forte protection immunitaire contre l’ensemble des variants connus à ce jour. Il considère donc que l’administration d’une troisième dose chez ces personnes serait « peu utile » et considère que ces dernières devraient attendre l’arrivée de nouveaux vaccins spécifiquement adaptés au variant Omicron. Le CIQ recommande à ceux et celles qui désirent néanmoins obtenir cette troisième dose d’attendre un délai minimal de huit semaines, et idéalement de trois mois, afin d’optimiser l’efficacité et la sécurité de ce rappel vaccinal. Les pharmaceutiques Pfizer-BioNTech et Moderna ont d’ailleurs amorcé les essais cliniques de leurs vaccins adaptés au nouveau variant Omicron : des premiers résultats devraient être disponibles en mars prochain.

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