Uber, Airbnb et cie : modèle collaboratif ou coercitif ?

À une époque où l’économie de partage semble inévitable par son omniprésence, le docteur en communication et en information Jacob Matthews a prononcé, vendredi, une conférence où il a remis en doute les stratégies de communication des entreprises comme Uber et Airbnb. Si l’évènement n’a pas fait courir d’immenses foules au pavillon Charles-De Koninck, le sujet, lui, n’en demeurait pas moins digne d’intérêt.

Il semble être devenu chose commune de voir des entreprises clamer leur appartenance à l’économie collaborative. Un phénomène bien présent au Québec, où l’arrivée de cette nouvelle économie au sein du transport en taxi et de l’hébergement a provoqué de vifs débats qui ne se sont toujours pas estompés.

Or, au cours de sa conférence, Jacob Matthews explique que, si de telles entreprises prétendent être fondamentalement collaboratives, le fonctionnement de leurs plateformes numériques témoignent, quant à lui, d’une exploitation des utilisateurs. Il y aurait une absence de réciprocité au sein de cette prétendue collaboration entre ces entreprises et leurs usagers.

Les membres se sentiraient, dans les faits, forcés d’adhérer à de nouvelles plateformes numériques, comme Facebook, ce qui contribuerait au développement de l’entreprise sans pour autant que les membres reçoivent une quelconque rétribution.

Les jeunes directement concernés

L’instigateur de la conférence à l’Université Laval, Arnaud Anciaux, explique que cet enjeu concerne les jeunes, puisqu’ils « baignent dans [les plateformes numériques] depuis leur naissance ». Ils comprennent donc plus difficilement que tous les mécanismes d’appel à la participation sous-jacents à ces plateformes ne vont pas de soi. Au contraire, tout cela relève de choix, de stratégies développées par les entreprises, selon le professeur adjoint au département d’information et de communication.

En plus d’inciter l’utilisateur à collaborer pour l’entreprise sans qu’il ne reçoive de rétribution, de telles stratégies participatives provoquent des bouleversements sociaux importants. Par exemple, l’entreprise californienne Uber ne fait pas qu’offrir un service de transport qui entre en compétition avec les taxis, mais façonne également notre rapport aux déplacements dans les villes, notre vision du travail et notre vision des transports en commun.

Ainsi, l’influence de ces entreprises « est beaucoup plus importante que leur simple activité économique, poursuit M. Anciaux. Ce sont des entreprises qui proposent aussi des idéologies, des propositions concernant l’aménagement des villes ». Des effets qui sont indirects, dans la mesure où Uber ne demande pas à changer le code de la route ou le code du travail, mais soulève ces questions dans son sillage.

Un enjeu politique et pluridisciplinaire

Si  Jacob Matthews ne voit pas comment cette situation pourrait être amenée à changer à court ou à moyen terme, Arnaud Anciaux se montre un peu plus optimiste. La solution, selon lui, est avant tout d’ordre politique. « La question qui se pose à travers ces plateformes, c’est un choix politique d’intervention ou de non-intervention », explique-t-il. Si, au Canada, le gouvernement est encore dans une logique de statu-quo face à ces plateformes numériques, on voit, notamment avec Uber, qu’il est aussi possible de réguler, précise-t-il.

Il trouve d’ailleurs important de souligner l’aspect pluridisciplinaire de cet enjeu, où des domaines d’études comme la communication, la sociologie, l’économie ou encore la science politique se recoupent.

C’est dans cette perspective de pluridisciplinarité que sera lancé, l’hiver prochain, un séminaire pour les étudiants aux cycles supérieurs du département de communication. Il sera intitulé Industrie de la communication et économie numérique. Une occasion, selon Arnaud Anciaux, d’approfondir cette problématique actuelle qui occupera une place de plus en plus importante dans un avenir immédiat.

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