12 août, on achète un livre québécois

On peut peut-être parler maintenant de tradition : le 12 août, on achète un livre québécois. J’ai dressé une liste (qui n’est pas exhaustive) des livres québécois qui ont marqué mon année littéraire. Il ne s’agit pas d’un top, une pratique que je trouve un peu réductrice pour les oeuvres elles-mêmes.

Par Emmy Lapointe, Cheffe de pupitre aux arts

1. Un beau désastre – Christine Eddie – Alto – Roman
Narration sensible et phrases coups de poing.

« Évidemment, dans le noir de la fosse, on ne ramassait pas les moineaux à la pelletée comme à Tchernobyl. Le coma était propre.  Des bombes barils ne dégringolaient pas sur des quartiers entiers comme sur une pluie de charognards. Le coma était sage. De fait, aucun indice d’apocalypse ne se manifestait alors que, dehors, un poète mourrait et que, le lendemain, le barbare à la houppe se hissait  aux commandes des États-Unis. »

2. Ténèbre – Paul Kawczak – La Peuplade – Roman
Roman d’aventure (n’en déplaise à Isabelle Daunais) qui joue brillamment avec les frontières du genre.

«Il souhaitait l’aimer au-delà de tout, se mettre à ses pieds, réclamer son passé. Il se voyait lui lécher les dents, embrasser son nez parfait, humer son front et peut-être, plus bas, sentir l’odeur de son urine à même sa peau. Il se voyait mourir tout simplement. »

3. Chasse à l’homme – Sophie Létourneau – La Peuplade – Récit
Parce que dès qu’on parle de Nelly Arcan et de Romain Gary, on m’a. Si en plus, c’est méta, je baisse les armes. Récit construit avec intelligence et précision. 

« J’étais amoureuse d’un fantôme. Et le propre des fantômes, c’est de prendre toute la place. »

4. Les Falaises – Virginie DeChamplain – La Peuplade – Roman 

Visiblement une grosse année pour La Peuplade. Premier roman de l’autrice, la barre est haute pour la suite. La filiation brisée et reconstruite livrée dans une poésie certaine.

« La neige tombe dehors et on me demande ce que je fais là. Je cherche ma  mère ma grand-mère ma galaxie de femmes. Éparpillées dans le monde j’essaie de les retracer. […] Les femmes de ma vie. On se succède sans se voir, comme des ombres qui courent devant les miroirs, sacrent des coups dé poing dedans et continuent leur route pour voir le monde. »

5. Deux et demie – Carolanne Foucher – Les Éditions de Ta Mère – Poésie

Poésie de fin de session, d’été caniculaire, de solitude par dizaine.

« pendant ce temps-là / la vie répète / j’vais lui en donner pour son argent / la vie se frotte les mains et ajoute / little did she know / little did I know en effet »

6. Curieuses histoires de plantes du Canada, tome 4 – Alain Asselin et Jacques Cayouette – Septentrion  – Histoire

Se feuillette ici et là. Aide aux journées moroses et souligne les moins grises.

7. L’Espace de la relation : essai sur les bureaux de psychologues –  Francis Levasseur – Nota Bene (Varia) – Essai

Lieu où l’on se pousse, du choix du quartier au fauteuil, les bureaux de psychologues mis sous la loupe.

« Il voulait un espace qui soit “dans le monde”, et non à côté de lui, une sorte de “bunker au centre-ville”, pour reprendre son expression, c’est-à-dire un lieu où l’on peut se recueillir du monde extérieur, mais sans pour autant le quitter entièrement. »

8. Pour nous libérer les rivières – Hugo Latulippe – Atelier 10 – Essai

Plaidoyer pour l’art dans nos vies auquel, sans surprise, j’ai été sensible.

« Spinoza pensait que Dieu était la nature. Don Quichotte a dit du soleil qu’il était le père de la poésie et l’inventeur de la musique. Cervantès voyait un lien de cause à effet entre le soleil et l’art. Entre la création et la création. J’éprouve des sentiments semblables – d’euphorie ou de parfaite adéquation – devant la beauté sauvage comme devant certaines oeuvres. Pour moi, ces deux choses sont consanguines. De tout temps, les artistes se sont échinés à décoder cette parenté. Ils se sont agenouillés sur des toiles, des scènes, des écrans, des pages et des places publiques, pour dire merci. »

 

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