Couronné de sa Palme d’or, Amour de Michael Haneke ( Caché, Le Ruban blanc ) nous est enfin présenté à Québec : l’impatience fait place à un grand bonheur de cinéphile.
Louis-Augustin Roy
Michael Haneke est contrôlant et méticuleux. Ses films sont le produit très précis de son imagination et de son travail. Ce serait désastreux s’il employait ces outils au service d’une vision médiocre, mais le résultat est ici ce qui se fait de plus achevé dans le septième art. Amour est maîtrisé de la première à la dernière seconde. Serait-ce même trop parfait, trop maîtrisé ? Certains cinéphiles s’y sentent effectivement enfermés. Car, il faut l’avouer, même les moments poétiques semblent être des scènes spécifiquement conçues pour laisser aller l’interprétation des spectateurs. Il guide notre regard partout et pour tout, sait où laisser du jeu et où serrer les pièces.
Et quel guide est-il dans la traversée de ce récit à la fois magnifique et difficile ! Il filme au plus près possible de la vérité ( ce qui ne veut pas dire vraisemblable, ce « vrai/faux » diminué ) pour nous faire comprendre et surtout ressentir l’amour d’une personne pour une autre, montré à travers la maladie et les derniers miles avant la mort.
Les circonstances ont voulu que nous voyions le lendemain Henry de Yan England, en compétition pour l’Oscar du meilleur court métrage. Traitant de manière différente un des mêmes sujets qu’Amour, il permet de constater, par contraste, l’horreur cinématographique que serait Amour si Haneke ne s’était pas astreint à une réserve dans le traitement, s’il avait été pathétique et grossier par sentimentalisme – parce qu’il faut « être proche de ses personnages », évidemment. Mais distance n’est pas froideur et on pleure à la fin d’Amour autant qu’on soupire devant Henry.