Photo : «Love» Justine Galipeault-Paquet

Le cocktail du coup de foudre

Le coup de foudre existe et il est chimique. Plus souvent qu’autrement, les sentiments et les émotions que ressentent les humains sont le résultat de l’action de certaines molécules. L’amour et l’attirance n’en font pas exception.« On ne sait pas encore pourquoi une personne va être attirée une personne en particulier, mais on sait ce qui se passe quand ça arrive », affirme le chimiste et professeur de chimie à l’Université Laval, Normand Voyer.

Lorsqu’on trouve quelqu’un(e) bien de son goût, quatre neurotransmetteurs vont être produits de façon importante, relate Normand Voyer. Ceci crée un débalancement, transformant l’état de la personne. « Ces quatre substances-là vont prendre le contrôle absolu de notre corps », affirme-t-il. Ce sont elles qui bouleversent l’esprit, qui font débattre le coeur et qui donnent des chaleurs.

L’effet de ce cocktail moléculaire est puissant et il n’y a pas grand-chose à faire pour l’arrêter. « C’est scientifiquement démontré que le coup de foudre c’est impossible à contrecarrer », ajoute M. Voyer. Cette sensation ne se recrée pas autrement. Il peut arriver à de nombreuses reprises dans une vie, peu importe l’âge et les circonstances.

L’amour chimique

La première substance, c’est la phényléthylamine. « Elle est souvent appelée la molécule du coup de foudre, car elle est seulement produite dans le cerveau à ce moment », rapporte le professeur. Elle met la personne dans un état de confort et de bien-être, presque comme une drogue, tel que l’explique M. Voyer. Sa forme chimique est en fait très proche de celle de la molécule d’amphétamine.

« La deuxième est bien connue, c’est la dopamine », poursuit le chimiste. Il explique c’est cette molécule qui rend nerveux et trépidant : « Quand tu ris puis que tu te dis : « Maudit que j’ai l’air imbécile! », il y a rien que tu peux faire c’est à cause de la dopamine», s’amuse à dire M. Voyer.

Le troisième neurotransmetteur, c’est la norépinéphrine. C’est entre autres elle qui a un effet euphorisant. « C’est la molécule qui va te faire faire des niaiseries, qui te fait aller te promener dans le Vieux-Québec quand il mouille à siaux », rigole le professeur de chimie. Selon ce qu’il explique, c’est cette molécule qui fait dire : «Je ne sais pas ce qui m’a pris, je n’étais pas dans mon état normal.»

La dernière, c’est la plus connue, l’adrénaline, la molécule de l’urgence comme l’indique M. Voyer. Elle apparaît aussi dans les situations de stress. C’est elle qui fait augmenter la température corporelle et le rythme cardiaque. Elle augmente aussi la pression artérielle, ce qui a comme conséquence de faire rougir la personne face à son coup de foudre.

Il y a tout de même un problème majeur avec le coup de foudre, c’est qu’il n’est pas réciproque. Selon M. Voyer, il est important d’en être bien conscient. « Ce n’est pas parce que tu as un immense buzz, que ça le donne le droit de faire ce que tu veux », insiste-t-il.

Ça passe ou ça casse

Pour les coups de foudre non réciproque, il est toutefois possible de consoler, puisqu’ils ne durent jamais bien longtemps. « Le coup de foudre c’est comme se donner un coup de marteau sur le pouce, ça finit par passer », affirme à la blague M. Voyer.

Le corps et le cerveau finissent par s’habituer. « Les études scientifiques ont démontré qu’à partir de plus que six mois, quand on voit la personne, on a de moins en moins des molécules », relate le professeur. Il poursuit en déclarant qu’après 4 ans, il ne reste plus aucune trace moléculaire de cet intérêt passionnel initial.

Ce n’est toutefois pas bien grave, selon M. Voyer, car la chimie vient à la rescousse. «Avec le coup de foudre, on parle d’amour passionnel, mais l’attachement va se faire par une autre molécule fantastique, l’ocytocine », précise-t-il. Cette molécule n’a rien à voir avec les quatre autres, puisque c’est une hormone plutôt qu’un neurotransmetteur.

«On n’est pas dans l’interactif, c’est une hormone, un relaxant musculaire à petite dose », souligne le chimiste. En voyant l’être cher, elle est sécrétée. Elle relaxe le corps, ce qui donne une sensation de bien-être. C’est en désirant cet état que se crée l’attachement, selon ce qu’explique M. Voyer.

La légende des phéromones

« Chez l’homo sapiens, il n’y a aucune preuve qu’il y a des phéromones », déclare d’emblée le professeur. Selon ses dires, l’évolution de l’espèce a fait en sorte que l’humain n’avait plus autant besoin de l’odorat que les autres mammifères. Les muqueuses olfactives se seraient alors atrophiées. « Il y a 4 cm2 de muqueuse chez l’humain alors que chez le berger allemand, il y en a environ 100 cm2 », donne en exemple M. Voyer.

En plus de cette surface réduite, l’organe responsable de trouver la provenance des odeurs, l’organe voméronasal, est complètement non fonctionnel chez l’humain. « Alors si tu es dans une pièce avec 100 personnes, même s’il y avait une odeur qui te mettait dans un état absolument euphorique, tu ne pourrais pas trouver d’où elle vient précisément sans te déplacer », illustre M. Voyer.

Les normes sociales d’hygiène donneraient elles aussi la vie dure aux phéromones. « Nos odeurs sont camouflées par des milliards et des milliards d’autres molécules, provenant du déo, du shampoing, et de la lessive que nous utilisons», rappelle le professeur, avouant tout de même que les mécanismes d’attirance ne sont pas encore tout à fait bien compris de la communauté scientifique. Cette chimie-là demeure un mystère.

 

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