S’aimer pour aimer

L’alerte Amber suivie de l’arrestation d’Ugo Fredette, le père du petit Louka, survenue la semaine dernière, a fait couler beaucoup d’encre en plus d’être massivement partagée sur les médias sociaux. On commence à peine à en savoir plus sur l’histoire, et je n’entrerai pas dans les jeux des justifications et des diagnostics.

En lisant la chronique intitulée Perdre le Nord de Richard Martineau publiée dans le journal de Montréal samedi dernier, j’ai froncé quelque peu les sourcils. Bien qu’il se défende de vouloir « banaliser les actes épouvantables commis par certains pères et certaines mères », il en vient rapidement à un argumentaire inquiétant. L’élément déclencheur des tristes événements se déplace de l’acte d’enlèvement à la rupture du couple. La faute se retrouve maintenant sur les épaules de la mère de Louka, qui n’aurait pas dû « jeter son couple aux poubelles » comme on le ferait avec un téléphone intelligent.

Non pas qu’il n’y ait pas de débat à avoir sur le rapport que nous entretenons avec le couple, mais ce détour par une critique conservatrice de la société devient simplement un prétexte pour braquer le projecteur sur les mères, dont les hommes québécois seraient des victimes. Une rhétorique non seulement anti-féministe, mais absolument fausse.

Lorsqu’un homme décide qu’il ne digère pas une rupture et qu’il s’en prend à ses enfants, à son ex-conjointe, où à sa propre vie, c’est notre devoir de dénoncer de tels gestes. Venant de quelqu’un qui demande haut et fort aux communautés musulmanes de se distancer publiquement de toute forme d’extrémisme relayée par les médias, je me permets de souligner la triste ironie.

Il est important de valoriser des comportements affectifs sains en société. Cela veut notamment dire de se préparer à vivre une rupture dans le but d’éviter ce genre de débordements. Il est vrai, comme le souligne Martineau, qu’une rupture représente souvent la fin « d’un monde » pour quelqu’un qui la vit, mais en aucun cas, cela ne doit justifier des actes de violence.

Pour éviter de tels drames, nul besoin de rester prisonnier de notre couple au nom d’un quelconque conservatisme social et moral, mais plutôt d’entretenir un dialogue conjugal sain qui permet, au mieux, de préserver le couple dans le temps, et au pire, de rompre dans le respect mutuel.

Bien que les enfants et le couple occupent une place centrale dans la vie d’une grande majorité de personnes, il ne faut pas tomber dans le piège d’en faire le point d’équilibre de sa vie d’adulte. Les relations humaines sont remplies de surprises et il est important de se laisser, à nous et à l’autre, une marge de liberté et de fluidité. Le chêne cassera au vent pendant que le roseau pliera.

Voilà pourquoi il faut d’abord et avant tout s’aimer soi-même, afin d’assoir les bases de sa confiance en soi et de son univers sur la seule chose qu’on peut considérer comme solide, car sous notre contrôle. L’autre ne peut pas porter éternellement le poids de nos insécurités. Une rupture peut très bien ne pas être le point de bascule vers un dénouement violent.

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