Emilia Perez, un opéra moderne

En cette fin d’année 2024, alors que bon nombre de films sont déjà passés sur nos écrans – pour le meilleur comme pour le pire – une petite pépite fait son apparition. Déjà primé au Festival de Cannes puis au TIFF de Toronto, Emilia Perez du réalisateur français Jacques Audiard a conquis le cœur des spectateur.rices amateur.rices, des fanas de cinéma, mais aussi des critiques ! Ce drame musical vient d’arriver sur Netflix et je ne peux que vous le recommander.

Par Camille Sainson, journaliste multiplateforme

Je vais commencer par vous avouer que je ne m’attendais pas à ce que ce soit un film musical. Après un court moment d’appréhension, je me retrouve plongée dans un univers digne d’un opéra moderne aux accents de rap et de rock, au rythme effréné et aux chorégraphies millimétrées. Le ton est résolument jeune, ce qui est presque déstabilisant quand on sait que Jacques Audiard a plus de soixante-dix ans. Le film multiplie les sujets engagés, allant de la transition de genre au féminisme, en passant par la violence des cartels mexicains. S’il se perd un peu par moment, le scénario n’en est pas faillible pour autant ; les dialogues sont écrits avec talent et portés par un magnifique trio d’actrices. On connaît Audiard pour sa filmographie éclectique en termes de mise en scène et de genre  – le noir et blanc d’Olympiades ou le style western des Frères Sisters contrastent avec ce nouveau film musical –, mais il prouve surtout sa capacité à se renouveler et à ne pas s’enterrer dans un même style.

Avec Paul Guilhaume à la photographie, les faux pas ne sont pas nombreux ; le cadrage est traité avec soin, c’est propre sans être artificiel, l’accent est mis sur les couleurs sans pour autant négliger le contraste qui donne toute sa profondeur à l’image. On passe de scènes lumineuses à une obscurité intense où néons et projecteurs procurent un caractère supplémentaire à la colorimétrie et se focalisent sur nos personnages de manière très théâtrale. Techniquement donc, peu de reproches à faire tant la maîtrise est omniprésente. Et pour un film de plus de deux heures, on ne s’ennuie pas ! Les scènes chantées apportent du dynamisme et sont loin d’être superficielles à l’intrigue.

Emilia Perez, cet homme qui se fait femme, qui fait tabula rasa de son passé pour pleinement s’émanciper, nous raconte finalement l’histoire d’une quête d’identité, de l’acceptation de soi, de pénitence, et finalement, d’un Mexique en pleine mutation. S’il faut mourir pour renaître, il faut aussi s’attacher à un regard, à une présence immuable pour ne pas se perdre soi-même. Avoir une amie pour se confier, un témoin pour exister.

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