Jusqu’au 21 janvier prochain, le Musée des beaux-arts de Montréal accueille dans son magnifique pavillon Hornstein la nouvelle exposition temporaire « Marisol », pour la plus grande rétrospective jamais consacrée à l’artiste.
Par Laura Huchet, journaliste collaboratrice
Née en France de parents vénézuéliens, Marisol Escobar est une artiste qui partage sa vie entre New York, Los Angeles, Caracas et Paris ; ses racines resteront hors-sol. La question des origines multiples, des morceaux de soi éparpillés est d’ailleurs centrale à son œuvre. De cette complexité culturelle sont nées d’abondantes sources d’inspiration, comme l’art pré-colombien, la danse contemporaine, l’artisanat, ou encore l’expressionnisme abstrait.
On circule dans l’exposition comme on voyage dans le temps, chaque salle se déployant autour d’un cycle créatif de l’artiste sur fond de couleurs pop : au rose succéde le jaune, puis le bleu pour finir sur le rouge. Contrairement au cas de Picasso, on ne parle pas pour Marisol de périodes colorées, mais les choix de mise en scène nous plongent d’emblée dans son univers chaleureux, ludique et multi-sensoriel.
Les sculptures totémiques à l’échelle, faites principalement de bois, se succèdent. Mais l’assemblage de nombreux matériaux, comme le plâtre, le verre, l’argile, ou la peinture démontrent la richesse des savoir-faire employés par Marisol. Ces derniers lui permettent de dresser le portrait critique d’une société coloniale destructrice dont elle embrasse les contours en en réfutant le contenu.
À mi-parcours est présentée l’œuvre magistrale The Party, habituellement résidente du Toledo Museum of Art, dans laquelle elle explore la tension entre conformité et expression de soi. Quinze sculptures de taille humaine s’incarnent, abhorrant le visage de l’artiste sous différentes coutures et expressions dans un décor de soirée mondaine. Chacune des figures semble solitaire, superficielle, étanche l’une à l’autre. « Have you ever felt alone in a crowded room? » (« Vous êtes-vous déjà senti seul dans une pièce bondée? »)
On découvre petit à petit les engagements de Marisol, portraitiste à la démarche marginale et dénonciatrice s’assumant davantage au fil du temps. Jusqu’à son décès en 2016, elle crée en mêlant différentes techniques, mises au service de multiples causes. En bref, c’est une belle occasion de découvrir, ou redécouvrir, le formidable travail d’une artiste malheureusement trop peu connue du grand public.