Présenté pour la première fois au dernier Festival de Cannes, Les Crimes du futur est le nouveau long métrage de David Cronenberg, réalisateur connu entre autres pour ses films La Mouche (1986), Le Festin nu (1991) et Crash (1996). Le cinéaste, habitué au genre science-fictionnel, revient ici avec une œuvre hybride, qui s’intercale à merveille entre un Vidéodrome (1983) et un eXistenZ (1999), surtout en ce qui concerne à la thématique du corps s’intriquant à la technologie. Qu’en est-il donc de ces Crimes du futur, qui ont tout pour intriguer (et dégoûter)?
Par William Pépin, chef de pupitre aux arts
Titre original : Crimes of the Future | Genre : Science-fiction | Durée : 107 minutes | Réalisation et scénario : David Cronenberg | Distribution : Viggo Mortensen, Léa Seydoux, Kristen Stewart, Scott Speedman | Production : Argonauts, Serendipity Point Films
Saul Tenser (interprété par Viggo Mortensen), est un artiste mettant en scène la transformation et l’ablation de ses propres organes en compagnie de sa partenaire de spectacle Caprice (Léa Seydoux). Entre sexe chirurgical et boyaux sanguinolents, entre réflexion sur l’évolution de l’humanité et complots, Cronenberg pose ici les bases d’un dialogue entre notre rapport à la passivité et sur ce qui nous constitue en tant qu’êtres de chair et de sang.
David Cronenberg, ou la transcendance du corps
Souvent, quand on parle de David Cronenberg, la première chose à laquelle on est susceptible de penser est la composante body horror de son cinéma. Avec raison : le rapport au corps fait partie prenante de la grammaire du cinéaste canadien. En revanche, ce qu’on a tendance à oublier, c’est ce qu’il raconte à partir de cette grammaire. Plus qu’un adepte d’hémoglobine et de violence gratuite, Cronenberg est d’abord un réalisateur très théorique, qui n’hésite pas à philosopher entre deux lignes de scénario, quitte à opter pour une surabondance de dialogues d’exposition. D’ailleurs, c’est peut-être le plus grand défaut des Crimes du futur : sa manie d’expliquer les moindres recoins de sa diégèse, surtout dans ses quarante premières minutes où tout est présenté à l’excès par les personnages, ces derniers agissant parfois plus comme des intendants du scénario que de véritables êtres dotés de motivations. C’est dommage, car pendant ce temps, aucune information n’est véhiculée par l’image. Je suis peut-être sévère, mais j’avoue avoir de la difficulté à digérer ce genre de travers. Un deuxième visionnage serait sans doute le bienvenu pour éclaircir ma pensée sur la question.
Ce qui me fascine avec le cinéma de Cronenberg – scènes d’exposition à part –, c’est l’idée qu’on est toujours à une ligne de dialogue près de tomber dans le plus désopilant des nanars, tant les échanges entre ses personnages sont souvent d’une froide absurdité et d’un premier degré désemparant. Pourtant, ça marche. Ça marche, parce que le cinéaste est conscient de jouer avec la ligne. Il est conscient de l’alchimie qu’il est en train de produire, sachant qu’il suffirait d’un grain de sable (ou de plastique) dans l’engrenage pour que tout déraille.
La trinité
Dialogues absurdes ou pas, une chose est certaine, c’est que je me souviendrai longtemps de la performance des trois acteur.rice.s principaux de ce long métrage, non sans regretter la bien trop absente et sous-estimée Kristen Stewart. Léa Seydoux, quant à elle, se démarque par son charisme tout comme l’énigmatique Viggo Mortensen, que l’on aime revoir aux côtés de Cronenberg. Le temps file : la dernière fois, c’était en 2011 dans Une méthode dangereuse, où Mortensen incarnait le psychanalyste Freud aux côtés de Michael Fassbender.
Si le film me laisse sur ma faim et si son message n’est pas tout à fait abouti, il n’en demeure pas moins que Les Crimes du futur est une proposition tout à fait acceptable. Véritable œuvre somme dans la carrière de son réalisateur, ce dernier récupère ici maintes thématiques déjà abordées par le passé, comme notre rapport au corps et à sa destruction, la sexualité, l’inconscient et notre lien houleux avec la technologie et son évolution.
© Crédits photo : Argonauts