Critique de Why you Wanna Leave, Runaway Queen

À 5748 km d’Aujourd’hui ma vie c’est d’la marde

Pour ceux qui s’attendaient à ce que Why you Wanna Leave Runaway Queen de Lisa LeBlanc soit la suite de son premier album, Cerveau ramolli ; remballez vos espérances.  L’auteure-compositrice-interprète nous propose un voyage auditif – en anglais – aux sonorités country, et quelques fois rock, beaucoup plus affirmées.

a1925438603_10Réalisé par Joseph Donovan, l’album de 12 morceaux, paru le 30 septembre, s’éloigne du concept qui nous avait fait découvrir – et aimer – la jeune femme du Nouveau-Brunswick.  Si son franc-parler est toujours au rendez-vous, il passe plus inaperçu, puisqu’il relève cette fois moins de la narration.

En effet, d’une part, les paroles sont beaucoup plus redondantes, s’inscrivant dans la tendance pop du vers d’oreille, d’autre part, elles se confondent, voire se diluent, dans les airs où la guitare électrique, et à quelques reprises le banjo, prend le dessus.  À ce sujet, les pistes Could You Wait Til Ive Had My Coffee et City Slickers and Country Boy se démarquent, leur mélodie et leur rythmique entraînantes compensant in extremis la pauvreté du vocabulaire.

Ce n’est pas un total dépaysement non plus ; quelques pistes nous rappellent avec nostalgie la douce mélancolie que portaient les paroles de son premier disque, qui se cachaient – et se cachent encore – dans la voix rauque de l’artiste et la musique country-folk.  C’est le cas de 5748 km, aux airs de Kraft Dinner.

Avec sa trame acoustique et son retour aux paroles narrées, la chanson nous fait plonger avec bonheur dans des terrains connus.  Sans être non plus le copier-coller d’une recette déjà éprouvée, la piste, en se hissant du lot, fait miroiter ce que l’album aurait pu être s’il ne s’était réclamé d’une esthétique davantage conventionnelle.

Par ailleurs, Ti-gars (référence voulue à Félix Leclerc?), seule chanson exclusivement en français, à la sonorité quelque peu punk, marque une coupure entre la première moitié du disque, bizarrement linéaire, et la deuxième partie, plus légère et musicalement recherchée.

Ce serait une erreur cependant de juger Why you wanna leave, Runaway Queen exclusivement en fonction de ce que Lisa LeBlanc nous avait servi en 2012.  D’ailleurs, l’évolution avait été annoncée par un mini-album, sorti en 2014, Highways, Heartaches and Time Well Wasted.  Manifestement, l’époque d’Aujourd’hui, ma vie c’est d’la marde est révolue.

Il n’en reste pas moins qu’après quelques écoutes, une fois la pilule avalée, on en vient à apprécier les chansons aux airs entraînants.  L’humour, encore au rendez-vous dans les paroles sans détours, loin du cliché, nous arrache à plusieurs reprises le sourire.

Somme toute, cet opus de Lisa LeBlanc se révèle un nouveau jalon dans sa carrière musicale, autant par la place qu’occupent les paroles que par la musique elle-même, plus assumée et entraînante.  Enfin, si le propre de l’art est de déstabiliser, le moins que l’on puisse dire, c’est que la jeune femme de 26 ans aura amplement réussi ce coup…

Why you wanna leave, Runaway Queen
Lisa LeBlanc
30 septembre 2016
Réalisé par Joseph Donovan
3/5
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