Julie Ravary-Pilon est une chargée de cours à l’UdeM, également stagiaire au post-doctorat à l’UQAM. Elle propose son premier livre. Tout récemment, au mois d’octobre, elle a organisé un colloque qui portait le nom : « Être femme dans les médias audiovisuels au Québec : cinéma, télévision, jeux vidéo et Web ». Elle est donc interpellée par les enjeux féministes en ce qui a trait à la représentation féminine dans l’univers audiovisuel, ce qui l’a poussée à écrire ce livre.
Ce premier livre de l’auteure, Femmes, nation et nature dans le cinéma québécois, est un essai divisé en trois catégories : Ravary-Pilon y fait des analogies entre la femme et le terroir, la femme et la nation et la femme et la nature à travers différents films de l’histoire du cinéma québécois. Ce sont des films qui viennent de toutes les époques, des films plus modernes comme À l’origine d’un cri de Robin Aubert, sorti en 2010, La turbulence des fluides (2002), Valérie, film « de fesses » sorti en 1969 et réalisé par Denis Héroux, Q-Bec my love, sorti quelques années plus tard qui parodie les vues égrillardes. Elle y est fait également mention du roman Maria Chapdelaine, écrit par le Français Louis Hémon en 1913, mais l’auteure s’attarde surtout sur le film, le roman ayant été adapté au cinéma 70 ans plus tard par Gilles Carle.
Des personnages féminins qui suivent l’évolution
Pour chacune des sections du livre, l’auteure utilise différents films pour appuyer son propos dans ces concepts de « femme-terroir », de « femme-nation » et de « femme-nature ». Et par ces comparaisons, l’auteure émet la thèse que l’on peut suivre l’évolution de la société québécoise à travers ces personnages féminins dans les différents films. C’est très intéressant comme idée, et on se rend compte au fur et à mesure que l’on lit l’essai que sa thèse n’est pas si folle que ça. Ça paraît surtout lorsqu’elle parle du personnage de Valérie, dans le film du même nom sorti vers la fin des années 60, où on assiste à la vie d’une jeune femme orpheline qui, après avoir quitté le couvent où elle a été élevée, explore sa sexualité et son corps. Le film est évidemment situé en pleine révolution sexuelle, féministe et hippie des années 60-70, ce qui s’inscrit bien sûr très bien dans le contexte sociale de l’époque.
Retournons un peu en arrière, où l’auteure y fait une petite mention du livre Maria Chapdelaine, qui raconte l’histoire d’une femme au prise avec un dilemme. Elle est amoureuse de deux hommes, l’un coureur des bois, libre de faire ce qu’il veut, représentant les valeurs plus modernes (dans un contexte loin du nôtre on s’entend, l’histoire étant située plus de cent ans en arrière), et l’autre homme étant un agriculteur, représentant les valeurs plus traditionnelles de l’attachement à la terre, de vie à la campagne et de croyances religieuses. Cela représentait à une certaine époque les dilemmes auxquels devaient faire face pas seulement les femmes, mais la société dans son ensemble.
Mythologique
Pour commencer, il est important de préciser qu’il n’est pas nécessaire d’avoir vu les films mentionnés dans le livre pour bien suivre et comprendre, l’auteure explique très bien les histoires, et elle cite à quelques occasions des scènes et des dialogues importants tirés des dits films pour clarifier le propos. Julie Ravary-Pilon se sert à une occasion de la mythologie grecque pour appuyer ses propos, et c’est lorsqu’elle parle du film La turbulence des fluides, film sorti au début des années 2000 et réalisé par Manon Briand. Dans la mythologie grecque, pour faire ça court, le cycle des saisons serait né d’un marché entre Zeus et Hadès qui stipule que Perséphone, lorsqu’elle revient sur Terre au printemps et passe l’hiver en enfer, ce qui cause les différentes saisons pour faire les récoltes. C’est tout ce que je peux dire sans dévoiler trop les détails de l’histoire du film de Manon Briand.
Au bout du compte, c’est un essai très intéressant que je recommande à quiconque s’intéresse aux différents enjeux féministes, au cinéma québécois, à l’histoire du Québec et à la mythologie grecque dans une moindre mesure. L’auteure y va d’une très belle structure dans son essai et nous explique merveilleusement bien ce qu’elle veut dire, sans qu’on ait nécessairement vu les films pour autant.