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Critique | Les jolies choses de Catherine Gaudet

Les 28 et 29 novembre derniers était présentée, à la coopérative Méduse, l’œuvre Les jolies choses de Catherine Gaudet, brillantissime chorégraphe québécoise qui aura su conquir publics de tout horizon avec sa plus récente production. Un passage à Québec qui ne sera donc certainement pas passé inaperçu. Retour sur cette soirée à la géométrie impeccable qui en aura fait virevolter plus d’un.e. 

Par Frédérik Dompierre-Beaulieu (elle), cheffe de pupitre aux arts

Chorégraphie : Catherine Gaudet | Interprétation : Dany Desjardins, Caroline Gravel, Lauren Semeschuk, James Phillips, Scott McCabe | Musique : Antoine Berthiaum | Lumières : Hugo Dalphond | Costumes : Marilène Bastien | Direction des répétitions : Sophie Michaud

 

Comme à l’habitude, la programmation de La Rotonde sait livrer la marchandise ; et, encore une fois, nous happe de plein fouet.

Mais contrairement à La Messe de l’Âne d’Olivier de Sagazan présentée l’automne dernier, par exemple, dont les images provocantes à souhait nous faisaient presque immédiatement perdre pied, l’œuvre de Catherine Gaudet prend tout le temps qu’il faut pour s’installer et emporter, tranquillement puis avec entêtement, son public dans ses valses et ses tourbillons, ses répétitions et ses soubresauts.

J’irais même jusqu’à dire que Les jolies choses – et elles sont jolies, soyez-en assuré.es – exige de son public qu’il s’arme de patience, et vous savez comme moi que c’est chose rare, ces temps-ci. Je ne surprendrai personne en disant que, de défilement en défilement, de coup de pouce en coup de pouce, nous sommes de plus en plus habitué.es aux formes brèves, consommant nos contenus préférés sur le mode de l’instantanéité. Non seulement cela, mais ils doivent en plus, en une fraction de seconde, savoir nous accrocher ; pas un coup de foudre ? Dommage, on passe au prochain, la musique continue. Ce n’est pas le cas, ici. L’empressement est un leurre auquel il faut résister. La beauté de la pièce, par-delà l’esthétisme auquel renvoie inévitablement le terme, réside dans sa capacité à nous faire aimer non pas son point d’arrivée, mais l’entièreté de la remontée. Il faut savoir faire confiance.

« Mon constat, c’est qu’on est vraiment coincés dans une machine, en ce sens qu’on est partis de trois ou quatre mouvements très simples qui sont en quelque sorte devenus notre alphabet avec lequel on a composé toute la pièce. […] Les danseurs sont aspirés à l’intérieur de cette énorme machine qui les fait bouger à un rythme synchronisé constant, très exigeant à la fois pour le mental, le psychique et le physique. », telle est la prémisse de Catherine Gaudet.

Là où l’on ne semble plus pouvoir sortir de la machine, la chorégraphe, pourtant, nous incite à prendre un pas de recul, nécessaire si l’on veut être en mesure de pleinement apprécier puis à se saisir de l’entièreté du tableau. Le départ est plutôt lent, mais ce travail du rythme – non pas des mouvements, mais bien de l’œuvre – réussit à attirer, puis à détourner notre attention, à déplacer la focale de manière si fluide et habile qu’on ne s’en rend compte qu’une fois la transition effectuée. Loin d’être ennuyante, la pièce et sa « partition mathématique », dont les séquences semblent réglées au quart de tour (!), finit par nous hypnotiser ; nous voilà contemplatif.ives devant un exercice ma foi exigeant, non pas simple mais rigoureux, conscient des effets qu’il construit et des sensations que cela lui permet par la suite d’explorer, en toute liberté.

Oui, c’est bien cela : l’oeuvre exige de son public, tout comme de ses interprètes, une persévérance qui, bien qu’essoufflante, fait vraiment du bien, en fait (pour nous qui regardons, retenons notre souffle, du moins). Suprenamment rafraichissant pour une pièce qui fait du motif, de la répétition voire même de l’aliénation son cheval de bataille. J’en suis repartie ravie ; et vous savez que c’est chose rare, ces temps-ci.

 

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