Critique musique : Limoilou de Safia Nolin

a2043699395_10Au sein de son premier opus, l’auteure-compositrice-interprète honore de main de maître le quartier qui, semble-t-il, fut autrefois le théâtre de son homérique mélancolie. Limoilou est une valse où les cœurs gelés comme la Saint-Charles en janvier se joignent aux cordes fantastiquement sensibles de la guitare de Safia.

L’économie instrumentale, suggestive et pertinente, donne à chaque note une lourdeur émotive. Unique et savamment dissonante, la voix de la chanteuse est intimement liée aux sanglots de sa guitare; son chant campe une panoplie d’émotions qu’elle concède à sa musique avec une grande générosité. Ici, l’amertume est reine, vive et certainement inspirante.

La relation amour-haine que Safia semble entretenir avec Limoilou transcende l’album. Il s’agit d’un lien complexe avec le quartier qu’elle décrit tantôt comme son sanctuaire, tantôt comme la scène d’histoires moroses. Dans Igloo, une des pièces maîtresses de l’album, la jeune interprète parle d’un refuge fragile au cœur de la basse-ville. L’igloo de Safia, c’est la solitude de la vie urbaine et des hivers plus noirs que blancs.

Limoilou est un hymne au désespoir où l’optimisme est rare et la joie se fait timide. L’écoute de l’album s’en retrouve donc un peu lourde, parfois même affligeante. Le lyrisme maussade de Safia Nolin a une force qui lui permet de rejoindre les tristesses. Elle ne manque pas, au passage, de transmettre au public un peu de ce spleen, aussi gris que les rues de son quartier.

Difficile d’imaginer une saison plus adéquate que celle des feuilles mortes pour accueillir le premier album de Safia Nolin. Si Limoilou constitue une fracture ouverte sentimentale, il est rassurant de penser que toute cette souffrance que Safia a su transformer en poésie sert un avenir meilleur. C’est sa noirceur étanche qui fait de Limoilou ce qu’il est et de Safia Nolin une artiste qui promet beaucoup.

Limoilou

Safia Nolin

Bonsound

4/5

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