Crédit photo : Théâtre du Périscope

Des corps sous le regard des spectateur.ices

Pendant que les flocons se déposent tranquillement sur le bitume à l’extérieur et que le silence se fait dans la salle, de douces lumières viennent éclairer la silhouette de Sophia (Maureen Roberge). Telle une poupée de porcelaine brisée, elle tentera tout au long du spectacle de se reconstruire sous nos yeux, de laisser son corps s’exprimer afin de réparer les traumas du passé.

Par Camille Sainson, journaliste multiplateforme 

Du 28 novembre au 9 décembre, le Périscope nous propose d’assister à une nouvelle pièce écrite et mise en scène par Rosalie Cournoyer : L’œil.

Loin d’être anodin, le titre nous renvoie à tout un univers de voyeurisme, de représentation, où corps et vue sont intrinsèquement liés, et où le regard extérieur pèse tout autant que celui que nous portons sur nous-mêmes.

Crédit photo : Théâtre du Périscope

Alors que le peintre Bordeleau est à l’hôpital, sa fille Camille (Marie-Ève Lussier Gariépy), et Sophia, sa modèle vivante, se rencontrent dans son atelier. Huis clos philosophique, ce sont deux visions du monde, du corps et de l’art qui s’affrontent.

Plusieurs cadres vides forment le décor qui entoure nos deux personnages ; ils posent comme dans l’attente d’une représentation, dans l’espoir de parvenir à capturer ces corps féminins dans toute leur fragilité, mais aussi toute leur puissance. S’ajoutent à la mise en scène des dialogues très bien écrits qui soulèvent des enjeux liés au viol, à l’émancipation, à la honte et au dégoût de soi. Comment se réapproprier son corps et ne plus l’abandonner au désir d’autrui ? Notre ipséité réside-t-elle dans nos vergetures, taches et cicatrices ? Ou bien doit-elle s’inscrire dans une silhouette entière pour exister ?

Toutes ces questions servent un discours féministe moderne et engagé porté par deux superbes actrices, dont les prestations et la sensibilité nous émeuvent sans conteste.

Crédit photo : Théâtre du Périscope

Si certains passages sont un peu trop didactiques ou tendent vers le pathos, ils ne gâchent en rien la globalité de l’œuvre qui fait passer 1h40 de spectacle en un clignement d’œil.

Finalement, la pièce de Rosalie Cournoyer  nous offre un instant de réflexion oscillant entre théories de l’art et analyses psychologiques, pour brosser un portrait complet des défis liés à la féminité qui sont, malheureusement, toujours actuels.

Consulter le magazine